L’expérience STEREO a présenté ses premiers résultats de physique lors des 53èmes Rencontres de Moriond[i]. Une grande partie de l’espace des paramètres autorisé pour une oscillation vers un hypothétique 4ème neutrino est maintenant exclu.
Alors qu’ils sont parmi les particules les plus abondantes de l’univers, les neutrinos sont connus pour être des particules élémentaires extrêmement difficiles à détecter. Ils prennent naissance au cœur des étoiles ou au sein des phénomènes les plus violents de notre univers, mais peuvent aussi être produits par des accélérateurs de particules ou, comme dans le cas de l’expérience STEREO, dans les réactions au cœur des réacteurs nucléaires. Les neutrinos ne possèdent pas de charge électrique et n’interagissent que très faiblement avec la matière. Aujourd’hui nous en connaissons 3 types ou saveurs : le neutrino électronique, le neutrino muonique et le neutrino tauique. Une étonnante découverte, faite il y a 20 ans, a montré que les neutrinos pouvaient changer de saveur, c’est à dire se transformer d’une saveur à l’autre lors de leur propagation. Ce phénomène, appelé « oscillation de neutrinos » a été récompensé par le prix Nobel de Physique en 2015.
Existe-t-il plus de 3 types de neutrinos ? L’engouement autour de cette question a connu un nouvel élan en 2011, lorsque des chercheurs[ii] remarquèrent que deux séries de résultats expérimentaux jusque là inexpliqués pouvaient être interprétés par la transformation des neutrinos vers un 4ème type de neutrino encore jamais observé. Ce neutrino, dit “stérile” pour qualifier son caractère indétectable, aurait une masse autour de l’eV, bien plus importante que celle des trois autres neutrinos déjà connus et sa découverte serait une avancée majeure en physique des particules. Plusieurs expériences, dont STEREO, se sont engagées dans cette course au neutrino stérile afin de confirmer ou d’infirmer l’hypothèse d’un 4ème neutrino.
STEREO est une expérience franco-allemande observant les neutrinos issus du cœur du réacteur nucléaire de recherche de l’Institut Laue-Langevin à Grenoble. L’expérience a été conçue et mise en oeuvre par les groupes de recherche et les services techniques de l’Irfu-CEA de Saclay, de l’Institut Laue-Langevin (ILL), du Laboratoire d’Annecy de Physique des Particules (LAPP), du Laboratoire de Physique Subatomique et Cosmologie (LPSC) de Grenoble et du Max-Planck-Institut für Kernphysik (MPIK) de Heidelberg, Allemagne. Les prises de données sont en cours depuis plus de 18 mois
Figure: Sont montrées les valeurs possibles des paramètres d’oscillation vers un 4ème neutrino et les valeurs maintenant exclues par les résultats de l’expérience STEREO. L’axe vertical correspond à la masse et à la fréquence d’oscillation vers un tel neutrino et l’axe horizontal à son amplitude. Les courbes en noir délimitent les scénarios auparavant les plus probables, avec une étoile marquant le cas le plus vraisemblable. Les régions en rouge et vert sont rejetées par les mesures de l’expérience STEREO, avec différents degrés de certitude (95% et 90%). La région en bleue représente la sensibilité théorique de rejection de l’expérience STEREO pour une précision statistique correspondant à 66 jours de données
Les premiers résultats de l’expérience STEREO présentés lors des Rencontres de Moriond excluent une partie significative de l’espace des paramètres attendu pour l’existence d’un hypothétique 4ème neutrino (voir Figure), mais la quête mondiale au neutrino stérile ne s’arrête pas pour autant là. La collaboration STEREO se prépare en effet à accumuler 4 fois plus de données d’ici la fin de l’année 2019, ce qui permettra, conjointement avec les résultats d’autres projets concurrents mais complémentaires actuellement en cours, d’apporter un éclairage nouveau sur cet hypothétique 4ème neutrino. Grâce aux caractéristiques du cœur du réacteur de l’ILL, hautement enrichi en 235U, l’expérience STEREO pourra aussi fournir de nouvelles mesures du spectre des neutrinos émis par la fission de cet isotope, très importantes pour l’ensemble des expériences neutrino auprès des réacteurs.
Les services techniques et le groupe de physique Neutrino du Laboratoire de Physique Subatomique et de Cosmologie ont été particulièrement impliqués dans cette expérience. Le LPSC a été chargé de la réalisation du détecteur veto de muons cosmiques, des blindages neutrons et magnétique, de l'ensemble de l’électronique d’acquisition de données et du système d’étalonnage du détecteur avec LED. Du fait de sa proximité avec le site expérimental, le LPSC a assuré la coordination de l'intégration de l'expérience sur le site de l'ILL et de la prise de données qui a démarré en octobre 2016. Les physiciens du LPSC ont eu une contribution majeure dans l’analyse des données de la première campagne de mesure (octobre 2017 à mars 2107) et poursuivent maintenant leurs efforts avec l’exploitation des données de la 2ème campagne de mesure qui vient de démarrer en mars 2018 après l'arrêt prolongé du réacteur de l'ILL.
[i] 53rd Rencontres de Moriond Electroweak session https://indico.in2p3.fr/event/16579/
[ii] G. Mention et al, Phys. Rev. D83 (2011) 073006.
L’avènement de la camera NIKA2 au télescope de 30 mètres de l’IRAM (Grenade, Espagne) constitue une opportunité unique pour l’observation d’amas de galaxies par effet Sunyaev Zel’dovich (SZ), grâce à ses deux bandes de fréquence (150 et 260 GHz), sa grande sensibilité, son excellente résolution angulaire et son grand champ de vue.
En avril 2017, la collaboration NIKA2 a observé un premier amas faisant partie de l’échantillon du grand programme d’observation SZ. Il s’agit de l’amas PSZ2 G144.83+25.11 à un redshift z=0,58 observé pendant 11 heures avec des conditions atmosphériques relativement mauvaises. Les excellentes performances de la caméra NIKA2 (R. Adam et al., A&A 2018) ont néanmoins permis d’obtenir des résultats de premier plan.
La carte NIKA2 obtenue à 150 GHz (cf. figure) met en évidence un amas cartographié à haute résolution (plus de 20 fois mieux que Planck) et avec un fort signal sur bruit jusque dans les régions périphériques. Le résultat est comparable à la carte du milieu intras-amas obtenue en rayons X par le satellite XMM-Newton, ce qui ce qui facilite les analyses jointes SZ/X. En particulier, l’observation faite avec NIKA2 permet d’identifier une région de surpression dans l’amas et une source ponctuelle submillimétrique, qui peuvent donc être prises en compte dans l’analyse.
Les données NIKA2 ont été utilisées conjointement avec les données SZ obtenues par d’autres expériences opérant dans le millimétriques (MUSTANG, Bolocam et Planck), afin d'établir de manière non paramétrique le profil de pression, depuis le centre de l’amas jusqu'à sa périphérie. Nous avons pu montrer que la zone de surpression avait un impact notable sur la valeur du paramètre de Compton intégré (65%) et sur celle de la masse de l’amas (79%). Ces deux paramètres sont essentiels pour l’utilisation cosmologique des grands catalogues d’amas. Ainsi, les résultats obtenus dans cet article soulignent l’importance du grand programme SZ de NIKA2 pour la caractérisation de la dispersion de la relation d'échelle SZ-masse et donc pour la cosmologie avec des amas.
Le grand programme d’observation SZ de NIKA2 bénéficie de 300 heures d’observation accordées par l’IRAM dans le cadre du temps garanti attribué à la collaboration NIKA2. L'objectif est d’étalonner en masse un échantillon représentatif constitué de 50 amas de galaxies sélectionnés en SZ (catalogues Planck et ACT) à un décalage vers le rouge moyen à élevé (0,5 <z <1) et couvrant un ordre de grandeur en masse. L’observation des amas de cet échantillon permettra de mener une étude complète de la morphologie et de l'évolution des amas. De plus, ces données seront combinées aux données X du satellite XMM-Newton afin d’étudier les profils thermodynamiques radiaux (densité, pression, masse, température, entropie). Ces derniers sont essentiels pour une compréhension complète de la relation observable-masse des amas de galaxies qui permettra in fine d'exploiter les grands relevés d’amas pour contraindre la cosmologie
Plus d’informations :
First Sunyaev-Zel'dovich mapping with NIKA2: implication of cluster substructures on the pressure profile and mass estimate, F. Ruppin, F. Mayet, G. W. Pratt et al., accepté dans Astron. and Astrophys., arXiv:1712.09587
Contact :
--
Le groupe NIKA2 du LPSC a bénéficié des compétences des services techniques et administratifs du laboratoire. Cette activité est financée notamment par l’ANR avec le projet NIKA2Sky (ANR-15-CE31-0017 et http://lpsc.in2p3.fr/NIKA2Sky), le projet ANR-12-BS05-0007 project (2013-2015) et le Labex Enigmass.
Le grand programme d’observations SZ de NIKA2 (http://lpsc.in2p3.fr/NIKA2LPSZ/) regroupe 10 instituts européens dont l’IN2P3, l’INSU et le CEA au niveau français.
Les explosions d'étoiles comme les supernovae projettent dans l'espace interstellaire des noyaux à des vitesses relativistes appelés rayons cosmiques. Lorsque ces noyaux entrent en collision avec le gaz épars entre les étoiles, ils produisent une cascade de particules, appelées rayons cosmiques secondaires. Cette composante peut être utilisée pour tracer l'histoire des rayons cosmiques lors de leur propagation dans la galaxie. Les mesures des flux de lithium, béryllium et bore - trois espèces de rayons cosmiques secondaires - effectuées par le spectromètre magnétique alpha (AMS) à bord de la station spatiale internationale, permettent de caractériser avec une précision sans précédent cette composante. Un «durcissement» spectral des rayons cosmiques secondaires est notamment observé - un plus grand nombre de particules à des énergies élevées que ce que l'on pourrait attendre d'une loi de puissance standard. Un tel durcissement a déjà été observé par la collaboration AMS dans les rayons cosmiques primaires tels que l'hélium, le carbone et l'oxygène mais l'amplitude de ce durcissement est plus grande pour les rayons cosmiques secondaires que pour les rayons cosmiques primaires. Ces nouvelles observations suggèrent que de nouveaux mécanismes doivent être pris en compte pour décrire avec précision la propagation des rayons cosmiques à travers l'espace.
Actualités IN2P3 :
http://www.in2p3.fr/recherche/actualites/2018/breve_ams_rayonssecondaires.html
Pour en savoir plus :
https://physics.aps.org/synopsis-for/10.1103/PhysRevLett.120.021101
https://journals.aps.org/prl/abstract/10.1103/PhysRevLett.120.021101
L’installation de la caméra millimétrique NIKA2 au télescope de 30 mètres à Pico Veleta (Espagne) a été finalisée en octobre 2017. Elle marque la fin de la première phase du projet (2011-2016) qui a porté sur la conception, la construction et l’installation de la caméra. La caméra a été acceptée en tant qu’instrument IRAM et ouverte à la communauté scientifique. L’avènement de la camera NIKA2 au télescope de 30 mètres constitue une opportunité unique pour les observations millimétriques, notamment pour la cosmologie avec des amas de galaxies, grâce à ses deux bandes de fréquence (150 et 260 GHz), sa grande sensibilité, son excellente résolution (11 et 18 arcsec) et son grand champ de vue (6.5 arcmin).
La phase d’exploitation scientifique de la caméra NIKA2 au télescope de 30 mètres a débuté en octobre 2017 et est prévue pour durer dix ans. La collaboration NIKA2 bénéficie de 1300 heures d’observations en temps garanti, partagé en cinq programmes d’observation correspondant à cinq objectifs scientifiques.
La caméra NIKA2 a été construite par une collaboration internationale, dirigée par des laboratoires grenoblois (Institut Neel, LPSC, IPAG et IRAM), qui a répondu avec succès en 2011 à un appel d'offres lancé par l'IRAM concernant la prochaine génération de caméra pour le télescope de 30 mètres.
En particulier, le LPSC a développé une électronique spécifique dédiée à l'instrument NIKA2. Celle-ci est composée de 20 cartes de lecture réparties dans 3 châssis différents (un par matrice). Sur chaque carte de lecture, la fabrication des peignes de fréquences (jusqu'à 300 fréquences simultanées) et leur analyse est réalisée en bande de base grâce à des FPGA et des convertisseurs analogique-numérique et numérique-analogique. Une grande quantité de processeurs de signaux numériques (DSP) (de l'ordre de 850) permettent de bénéficier de la puissance de calcul nécessaire aux manipulations fréquentielles et à la détection de la variation des fréquences de résonance.
Dans la première phase, le groupe a été fortement impliqué dans l’instrumentation, l’analyse de données (commissioning de la caméra) et dans le management de la collaboration internationale. Le groupe NIKA2 du LPSC a bénéficié des compétences des services techniques et administratifs du laboratoire.
Pour l’exploitation scientifique, le LPSC assure la responsabilité du programme d’observations SZ qui permettra l’observation de 50 amas de galaxies avec le télescope de 30 m de l’IRAM au cours des cinq prochaines années. Ce programme bénéficie de 300 heures d’observation accordées dans le cadre du temps garanti attribué au consortium NIKA2. L'objectif principal est d’étalonner en masse un échantillon représentatif constitué de 50 amas de galaxies sélectionnés en SZ (catalogues Planck et ACT), ce qui permettra d'exploiter les grands relevés pour contraindre la cosmologie.
Plus d’informations :
The NIKA2 large field-of-view millimeter continuum camera for the 30-m IRAM telescope
R. Adam et al., Astron. and Astrophys 609 (2018) A115, arXiv:1707.00908,
Contact : F. Mayet
En 2017, le LPSC fête ses 50 ans. Durant ces cinquante années, le laboratoire a été reconnu pour son engagement dans la recherche fondamentale en physique nucléaire, en physique des particules, en astrophysique et en cosmologie, ainsi que pour ses développements technologiques en physique des accélérateurs et des sources d’ions. Le laboratoire a également une longue tradition d’investissement innovant dans les domaines applicatifs de la physique des réacteurs et de la santé. Enfin, l'enseignement et la formation sont au coeur des préoccupations du laboratoire, avec des cours assurés sur le site au niveau licence, master et au sein d'une plateforme de formation en physique subatomique et nucléaire, avec l'université Grenoble Alpes et l'école d'ingénieurs Grenoble INP. A l’occasion de son anniversaire, fêté le 21 décembre dans ses locaux, le LPSC organise un après-midi de célébration en présence de ses tutelles et collaborateurs, des représentants des milieux académiques et de la recherche de la région grenobloise, ainsi que des représentants des collectivités territoriales.
À revoir sur le webcast du CC-IN2P3 !!
|