Contexte
Avec la découverte d'un boson de Higgs en 2012, le modèle standard de la physique des particules est maintenant complet dans le sens où toutes les particules qu’il décrit ont été observées expérimentalement. Par ailleurs, leurs propriétés mesurées sont en accord avec celles calculées avec le modèle, dans la limite de la précision accessible.
Cependant, plusieurs arguments théoriques et expérimentaux indiquent que le Modèle Standard doit être étendu, modifié ou complété vers une théorie plus large qui permettrait de répondre aux questions actuellement ouvertes comme : Quelle est la nature de la matière noire qui représente 84 % de la matière de l’univers ? Comment décrire l’interaction gravitationnelle dans un schéma cohérent avec les trois autres interactions (électromagnétique, faible et forte). Plusieurs voies sont actuellement explorées par les théoriciens pour construire ces théories au delà du Modèle Standard. Bon nombre d’entre elles (supersymétrie, technicouleur, modèles avec des dimensions supplémentaires, etc) induisent la présence de particules massives dont la signature peut être recherchée expérimentalement.
Signature recherchée
Ces nouvelles particules massives peuvent laisser différentes signatures dans le détecteur ATLAS. Nous avons choisi de rechercher leurs traces lorsqu'elles se désintègrent en un état final composé d'une paire de quarks top (canal semi-leptonique). En effet, le quark top est la particule élémentaire la plus massive connue à ce jour et de par ses propriétés, elle tient une place toute particulière dans de nombreux modèles de nouvelle physique. Elle est abondamment produite au LHC et sa signature est suffisamment claire pour que les collisions contenant des quarks top soient bien identifiées avec le détecteur ATLAS. Le quark top est donc une sonde prometteuse pour mettre à jour des signes de nouvelle physique.
Analyse
L'analyse développée ici consiste donc à sélectionner des paires de quarks top de grande masse invariante parmi les collisions produites par le LHC. Cette sélection et la mesure de la masse invariante du système des deux quarks top nécessitent de bien identifier et mesurer les produits de désintégration des quarks top. Aux énergies accessibles par le LHC, la topologie des produits de ces collisions est particulière et inédite (topologie dite boostée ou les produits de désintégration sont très proches les uns des autres) et demande le développement d’outils particuliers qui seront utiles aux autres études mettant en jeu des phénomènes à grande énergie au LHC.
Une fois, le spectre en masse invariante de la paire de quarks top obtenu, on peut le comparer au spectre prédit par le modèle standard. Si les données sont en acccord avec celui-ci, comme cela a été le cas avec les premières données du LHC, alors on peut mettre des limites sur les masses et les sections efficace de production des particules massives de différentes théories. À l'inverse, un excès de paires de quarks top par rapport au modèle standard signerait la présence de nouvelle physique.
Développements effectués au LPSC
Reconstruction des top boostés
Le groupe du LPSC est particulièrement impliqué dans la reconstruction des quarks top en régime boosté. Lorsque un quark top boosté se désintègre dans la voie hadronique, il est reconstruit dans un jet large. Ce jet est identifié comme provenant d'un quark top grâce à l'étude de sa sous-structure. L'étude de la sous-structure des jets est la spécialité de Pierre-Antoine Delsart qui est responsable du groupe de travail correspondant dans ATLAS. L'utilisation des variables de sous-structure des jets a fait l'objet d'une partie de la thèse de Benjamin Déchenaux. Lorsque le quark top boosté se désintègre de façon leptonique alors le lepton issu du boson W est proche du quark b voir à l'intérieur du jet de B. Clément Camincher a développé pendant sa thèse une méthode nouvelle pour reconstruire les électrons lorsqu'ils sont à l'intérieur d'un jet.
Interprétation dans des modèles de matière noire
Le deuxième axe de travail concerne l'interprétation des résultats de l'analyse dans le cadre de modèles de matière noire. Les modèles de matière noire utilisés au run 1 du LHC étaient principalement des modèles effectifs. Les états finaux recherchés étaient alors des mono-objets (mono-photon - qui est une autre thématiques du groupe du LPSC -, mono-jet, monoZ, ...), considérant que la collision de partons produit deux particules de matière noire indétectable et que seul une particule issue de la radiation d'un parton initial est détecté. Pour élargir ce type de recherche, des modèles plus complets sont pris en compte. Ils font intervenir une particule médiateur entre les deux partons qui collisionnent et la production des particules de matière noire. Les analyses mono-objet restent intéressantes dans ce cas mais elle peuvent être complétée par les analyses qui sont sensibles aux autres désintégrations du médiateur (en leptons ou quarks). Le médiateur peut se désintégrer en deux quarks top et notre analyse peut donc apporter des contraintes à ce type de modèle.
Résultats
Résultats de l'analyse des données à 13 TeV avec 36 fb-1 - run2 : données 2015-2016 - Eur. Phys. J. C 78 (2018) 565
Interprétation pour la recherche de matière noire, résultats 2019 - run2 : données 2015-2016 - ATLAS PAPER EXOT-2017-32
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Publications
- 2019, données à 13 TeV, run2 2015-16, 37 fb-1 : interprétation pour la recherche de matière noire => publication soumise à JHEP (arXiv:1903.01400, lien collaboration ATLAS : EXOT-2017-32)
- 2018, données à 13 TeV, run2 2015-16 : interprétation pour la recherche de matière noire => note de conférence (ATLAS-CONF-2018-051)
- 2018, données à 13 TeV, run2 2015-16, 36 fb-1 : publication (arXiv:1804.10823; Eur. Phys. J. C 78 (2018) 565)
- 2016, données à 13 TeV, 3,2 fb-1, topologie boostée uniquement : note de conférence (ATLAS-CONF-2016-014)
- 2015, données à 8 TeV, 20.3 fb-1 : publication (arXiv:1505.07018; JHEP 08 (2015) 148)
- 2013, données à 8 TeV, 14 fb-1 : note de conférence ATLAS-CONF-2013-052
- 2013, données à 7 TeV, 4.7 fb-1 : publication (arXiv:1305.2756, Phys. Rev. D 88, 012004 – July 2013)
- 2012, données à 7 TeV, 4.66 fb-1 note de conférence (ATLAS-CONF-2012-136)
Membres
Membres actuels
- Sabine Crépé-Renaudin (responsable du groupe d'analyse)
- Pierre-Antoine Delsart (expert sous-structure des jets)
Anciens membres du groupe d'analyse
Précédents résultats
Résultats de l'analyse préliminaire des données à 13 TeV avec 3,2 fb-1
Le run 2 du LHC a débuté en 2015 et les premières données ont été analysées rapidement. Ce premier résultat, obtenu avec 3,2 fb-1 de données a été publié pour la conférence de Moriond 2016. La distribution de la masse invariante des deux quarks top est en accord avec la modélisation obtenu à partir du modèle standard. Une limite est posée sur un boson Z' leptophobique issu d'in modèle de Topcouleur : un tel boson produisant une résonance étroite (largeur égale à 1,2% de sa masse) est exclu à 95 % de niveau de confiance si sa masse est comprise entre 0,7 et 2 TeV.
Résultats de l'analyse des données à 8 TeV
Comme illustré sur la figure ci-dessous, aucun excès de paires de quarks top n'a été mis en évidence. Des limites sont donc posées sur différents modèles théoriques (Z' leptophobique et gluon de Kaluza-Klein par exemple) : voir figures ci-dessous.