1. Introduction

Les activités de notre équipe sont centrées autour de la cosmologie observationnelle avec deux axes de recherche principaux : 1) l’étude des anisotropies du Fond Diffus Cosmologique (CMB) ainsi que des émissions d’avant-plan, et 2) la cartographie et l’exploitation cosmologique des amas de galaxies. Dans ce cadre nous menons plusieurs activités de recherche incluant : la conception, construction, tests et installation d’instruments innovants pour la cosmologie ; le développement de nouvelles méthodes d’analyse et de traitement des données, ainsi que leur exploitation cosmologique.

Les membres de l’équipe ont travaillé pendant une dizaine d’années dans l’expérience satellite Planck pour la mesure des anisotropies du CMB en température et polarisation ainsi que pour la détection et l’exploitation cosmologique des amas des galaxies. Nous sommes engagés actuellement dans le projet satellite EUCLID autour de la cosmologie avec les amas de galaxies et nous participons aux tests au sol de l’instrument. Nous avons été également moteurs dans le développement, la construction, l’installation et le commissioning des expériences millimétriques NIKA et NIKA2, ainsi que pionniers dans leur exploitation scientifique notamment en ce qui concerne la polarisation et l’étude des amas de galaxies.

Plus récemment nous avons travaillé au développement de nouveaux instruments millimétriques, KISS (commissioning en cours) et CONCERTO (en conception), qui visent des mesures spectroscopiques dans le cadre de l’étude des amas des galaxies et de la distribution de matière dans l’univers lointain. En outre, nous avons été fortement engagés dans les activités de vulgarisation pour Planck et participons activement dans le cadre d’EUCLID.

Afin de mener nos activités de recherche nous sommes membres de plusieurs collaborations internationales (Planck, NIKA, NIKA2 et EUCLID) dans lesquelles nous prenons des responsabilités incluant : membres du core team et responsables des analyses pour Planck ; project scientist, responsable et membres de l’editorial board, et leaders du grand programme SZ pour NIKA2 ; project scientist et instrument scientist pour KISS ; et responsables de test au sol pour EUCLID. Nous avons également obtenu des financements ANR (NIKA et NIKA2Sky) ainsi que des financements européens ERC H2020 (projets RADIOFOREGROUNDS et CONCERT0). Enfin, nous avons aussi obtenu des prix internationaux grâce à notre travail sur Planck (prix Gubber et …).

 

2. Le projet PLANCK

Le satellite Planck, qui fut lancé en 2009 et en fonctionnement jusqu’en 2013, avait comme but la mesure ultime du Fond Diffus Cosmologique (CMB pour Cosmic Microwave Background) en intensité, et la plus précise en polarisation. Le groupe du LPSC a d’une part assuré le suivi des données de Planck livrées en 2016 (Planck results 2015 et Planck intermediate results 2016, 2017) et participé à l’élaboration des Planck Legacy results de 2018. Notamment, l'équipe a réalisé une nouvelle analyse cosmologique de la carte de Planck de l'effet SZ dans les amas de galaxies. D’autre part, elle a obtenu dans le cadre d'un consortium international, le programme H2020-COMPET-2015, RADIOFOREGROUNDS (2016-2018), pour l’exploitation des données de Planck, WMAP et QUIJOTE afin d’améliorer la compréhension des émissions d’avant-plan en polarisation (synchrotron et poussière galactique) qui limitent la connaissance du CMB et notamment des modes B en polarisation. L'équipe du LPSC a eu la charge de la reconstruction du champ magnétique galactique, qui joue un rôle primordial dans les émissions galactiques polarisées [Pelgrims et al, 2018a,b]. 

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Gauche : contraintes cosmologiques à partir de l'effet SZ dans les amas de galaxies mesurés par Planck.
Droite: géométrie du champ magnétique galactique obtenue à partir de la mesure de l'émission polarisée de la poussière avec Planck.

 

3. Les projets NIKA & NIKA2

NIKA2 est une caméra cryogénique millimétrique bi-bande, opérant à 150 et 260 GHz avec 2600 KIDs (Kinetic Inductance Detectors) refroidis à 100 mK, qui a été installée au télescope de 30 mètres de l’IRAM en octobre 2015 et totalement instrumentée en janvier 2016. Le LPSC a joué un rôle majeur dans le développement et la construction de NIKA2, prenant en charge la conception et construction de l'électronique de lecture des KIDs (voir section du service électronique), la construction de la boîte refroidie à 100 mK (voir section du service d'études et de réalisation mécanique) après que la validation ait eu lieu au laboratoire.

NIKA2 a été construit par une collaboration internationale dont le LPSC est membre fondateur, et qui a été récompensée par l’IRAM avec 1300 heures de temps garanti reparti sur 5 larges programmes. Les membres du LPSC ont des rôles importants au sein de la collaboration : Instrument Scientist, leader et membres de l’editorial board, responsables de l’électronique de lecture et du commissioning en intensité, et leaders du large programme SZ.

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Gauche : observations de l’effet SZ thermique dans l’amas PSZ2G144 avec NIKA2 [Ruppin et al, 2018].
Droite : observations en intensité (image en couleur) et en polarisation (traits noir) du Crab avec NIKA.

Polarisation avec NIKA

Le LPSC a aussi été moteur dans la construction et l’exploitation scientifique de NIKA, qui était un prototype de NIKA2, et qui a été en fonctionnement au télescope jusqu’en 2015. Le LPSC a notamment pris en charge la conception et la construction du système permettant des mesures en polarisation avec NIKA, ainsi que son exploitation scientifique. En particulier pour la première fois au monde, les observations en polarisation avec des KIDs ont été réalisées [Ritacco et al, 2018], qui constitue le principal calibrateur en polarisation pour les instruments CMB [Aumont et al, 2018].

Commissioning de NIKA

Après les premières observations effectuées avec NIKA2, s’en est suivi une intense phase de commissioning, comprenant observations techniques et développement des outils d’analyse de données, auxquels le LPSC a été le principal contributeur.

En Septembre 2016, le LPSC a pris la responsabilité du commissioning et de la caractérisation des performances de NIKA2 auprès de l’IRAM. Les analyses menées au LPSC ont permis de mettre au jour la non-planéité de la lame dichroïque et ont motivé son remplacement en septembre 2016. La première campagne d’observations techniques avec l’instrument NIKA2 final a eu lieu en février 2017 et la phase de commissioning s’est achevée en avril 2017, à l’issue d’une campagne de vérification scientifique. A partir d’observations de sources astrophysiques, nous avons réalisé une première caractérisation des performances de NIKA2, décrites dans [Papier performance Adam et al (2017)]. NIKA2 a démontré d’excellentes capacités pour cartographier l’ensemble du champ de vue offert par le télescope de 30 mètres, avec une haute résolution angulaire, et une sensibilité comparable aux meilleurs instruments millimétriques actuels. Ces premiers résultats, indiquant des performances en adéquation avec les spécifications requises par l’IRAM, ont motivé l’acceptation de l’instrument par l’IRAM et son ouverture à la communauté pour des observations scientifiques dès octobre 2017. Cette étape clef franchie avec succès, le LPSC s’est engagé à livrer la caractérisation finale des performances.

En utilisant un vaste jeu de données, incluant plusieurs milliers d’observations effectuées en 2017 et 2018, nous avons démontré la stabilité des performances de NIKA2 sur une année et pour une large gamme de conditions d’observation. En particulier, nous avons i) amélioré la méthode d’estimation de l’atténuation du signal par l’atmosphère pour garantir une correction robuste jusqu’à un facteur deux d’atténuation, ii) optimisé les coupures de sélection et iii) développé des méthodes de correction des effets systématiques dépendant de la température externe. Ces développements ont permis de réduire l’incertitude de la calibration pour atteindre une stabilité au niveau des meilleures expériences millimétriques actuelles. De nombreux tests de robustesse et stabilité des performances ont été effectués et un pipeline de calibration a été fourni à l’IRAM. Les résultats de la caractérisation complète des performances, la description des méthodes développées et des tests effectués ont été rassemblés dans un document de référence (120 pages) et remis à l’IRAM en décembre 2018 pour accompagner et officialiser la livraison de l’instrument. Les performances de NIKA2, confirmées sur un large jeu de données, en font le meilleur instrument à ce jour pour la cartographie millimétrique haute-résolution de sources diffuses ou étendues, tels les amas de galaxies. NIKA2, ouvert à la communauté dès octobre 2018, restera en opération au télescope de 30 mètres de l’IRAM pour au moins une décennie.

Grand Programme d'observation SZ de NIKA2

Le Grand Programme d’observation SZ de NIKA2 bénéficie de 300 heures d’observation accordées par l’IRAM dans le cadre du temps garanti attribué à la collaboration NIKA2. Ce programme international de recherche comporte 10 laboratoires participants (IN2P3, INSU, CEA, Rome, Madrid, Tenerife) avec 24 chercheurs impliqués. L’objectif scientifique est d’étalonner en masse un échantillon représentatif constitué de 50 amas de galaxies sélectionnés en SZ (catalogues Planck et ACT) à un décalage vers le rouge moyen à élevé (0,5 <z <0,9) et couvrant un ordre de grandeur en masse. L’observation de ces amas permettra de mener une étude complète de leur morphologie et de leur évolution. De plus, ces données seront combinées aux données X du satellite XMM-Newton afin d’étudier les profils thermodynamiques radiaux (densité, pression, masse, température, entropie). Ces derniers sont essentiels pour une compréhension complète de la relation observable-masse des amas de galaxies et du profil moyen de pression qui permettront in fine d’exploiter les grands relevés d’amas pour contraindre la cosmologie.

Le Grand Programme SZ de NIKA2 a officiellement débuté en octobre 2017. Lors des premières campagnes, 10 amas ont été observés et s’ajoutent à celui observé en phase de vérification scientifique (avril 2017). Grâce à ce dernier nous avons montré [F. Ruppin et al., A&A 2018] que NIKA2 produit des cartes SZ avec une résolution du même ordre que celle du satellite XMM-Newton et avec la sensibilité requise pour l’analyse conjointe X/SZ. Les données NIKA2 ont été utilisées conjointement avec les données SZ provenant d’autres instruments (MUSTANG, Bolocam et Planck) afin d’établir de manière non paramétrique les meilleures contraintes sur la distribution électronique de la pression de l’amas de son centre à sa périphérie. Il a été identifié un excès de pression thermique dans la région sud-ouest de l’amas et l’équipe a montré que l’impact de cette dernière sur le profil de pression et sur les estimations du signal SZ intégré et de la masse sont notables. Ces travaux soulignent le fait que NIKA2 aura un rôle crucial à jouer pour la caractérisation du profil moyen de pression et de la relation d’échelle signal SZ-masse.

Par ailleurs, l’équipe a mené une étude prospective du Grand Programme SZ. En collaboration avec les universités de Rome et de Madrid, l’équipe a défini une réplique synthétique de l’échantillon d’amas du grand programme SZ de NIKA2, basée sur la simulation à N-corps MUSIC. Cette approche originale a permis d’étudier les systématiques induites par la méconnaissance des sous-structures et des perturbations, notamment sur la pente et la dispersion du profil moyen de pression [F. Ruppin et al., A&A 2019].

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Gauche: dispositifs pour les tests EMC des détecteurs et harnais de vol du NISP dans les installations d’AIRBUS Intespace.
Droite: instrument KISS installé dans le télescope QUIJOTE 1 au Teide Observatory, Tenerife

 

Au sein de l’astrophysique millimétrique un grand nombre de sujets scientifiques demandent des spectromètres à faible résolution spectrale mais avec un grand champ de vue. De par leur caractéristiques techniques (rapidité, linéarité, grand facteur de multiplexage, etc.) les KIDs sont particulièrement adaptés pour équiper de tels instruments, et nous participons activement à leur développement dans le cadre d’une collaboration multi-instituts (LPSC, Institut Néel, IPAG et IRAM) à Grenoble.

KISS est un spectromètre à transformée de Fourier basse résolution (2-3 GHz), fonctionnant entre 100 et 300 GHz avec 600 KIDs, qui a été installé fin 2018 au télescope QUIJOTE dans l’observatoire du Teide à Tenerife. KISS a pour objectif la mesure de l’effet SZ dans les amas de galaxies proches dans le but de cartographier leurs propriétés physiques telles que la pression et la masse. Le LPSC a été moteur dans la conception et la fabrication de l’instrument en prenant en charge la construction de l'interféromètre de type Martin-Pupplet, l’électronique de lecture, l'installation, et le commissioning qui se déroule actuellement.

L'équipe s'est également engagée dans la construction de l’instrument CONCERTO qui sera installé en 2021 au télescope APEX de l’ESO, dans le désert d’Atacama (Chili) et qui est financé par une ERC advanced grant. CONCERTO cherche d’une part, à mesurer la distribution de matière et le taux de formation d’étoiles à haut redshift via des observations des raies CII, et d’autre part, la détection d’amas de galaxies via l’effet SZ. L’équipe du LPSC participe activement à la conception et à la fabrication de l’instrument avec la prise en charge de l’électronique de lecture et la fabrication de l'interféromètre de type Martin-Pupplet.

 

4. Le projet de satellite EUCLID

Le satellite EUCLID, qui sera lancé par l’ESA en 2022 a pour but l’étude de la distribution de matière sombre dans l’Univers et la compréhension de la nature de l’énergie noire. EUCLID réalisera un relevé du ciel de 15000 degrés carrés dans le visible (instrument VIS) et l’infrarouge (instrument NISP) pour mesurer l’effet de lentille gravitationnelle, le clustering de galaxies et la distribution d’amas de galaxies dans l’Univers. L’équipe du LPSC a pris en charge les tests EMC (electro-magnetic compatibility) des détecteurs et les harnais de vol du NISP, elle contribue à la préparation des études des amas de galaxies et participe à la cellule de communication d’EUCLID.

Pour les tests EMC du NISP l'équipe a conçu et construit un cryostat innovant permettant à la fois l’irradiation des détecteurs du NISP avec des ondes radio (entre 13 MHz et 18 GHz) et leur fonctionnement cryogénique en conditions d'étanchéité à la lumière visible et infrarouge (voir aussi le rapport du services détecteurs et instrumentation ainsi que celui du service études et réalisations mécaniques). Elle a également pris en charge la réalisation des tests dans une chambre anéchoïque chez AIRBUS Intespace à Toulouse, ainsi que l’analyse des données obtenues et le reporting des résultats au CNES et à l’ESA. Grâce à ces tests nous avons pu démontrer que les LEDs de calibration n’affecteront pas les mesures scientifiques et nous avons mis en évidence un léger excès de bruit de lecture induit par le rayonnement à 75 et 100 MHz. Cet excès fait actuellement l’objet d’un suivi.

L'équipe participe également au groupe du SGS (Science Ground Segment) en charge du pipeline d’analyse pour les amas de galaxies : notamment en ce qui concerne la sélection et caractérisation de leurs propriétés en combinant les données EUCLID avec les données externes comme celles de Planck et NIKA2. Enfin, l'équipe a contribué à la réalisation d’un film de vulgarisation scientifique.