1. introduction


L’expérience ATLAS est l’une des quatre principales expériences de physique des particules auprès du grand collisionneur de protons et d’ions du CERN : le LHC. Situé à la frontière franco-suisse, le LHC a été conçu pour produire des collisions entre protons à une énergie dans le centre de masse jamais atteinte de 14 TeV. La première prise de données s’est déroulée à une énergie de 7-8 TeV et s’est étendue de 2009 à 2012, aboutissant à la découverte du boson de Higgs. Après cette découverte majeure, la deuxième période de prise de données entre 2015 et 2018 ("Run 2") à une énergie de collision de 13 TeV a permis de mesurer avec une très grande précision les caractéristiques de ce boson. Conjointement à cela, les mesures d’autres caractéristiques du « Modèle Standard » de la physique des particules ont égalé ou amélioré la précision obtenue avec les collisionneurs précédents. Dans le même temps, de très nombreuses recherches de nouvelle physique ont été menées. L'absence de preuve probante à ce jour a permis d'invalider de nombreuses extensions du Modèle Standard, mettant ainsi au défi la communauté des théoriciens pour résoudre les limitations connues du Modèle Standard (origine de la matière sombre, asymétrie matière-antimatière, justification de la faible masse du boson de Higgs...). Cette capacité à réaliser des mesures de grande précision couplée avec le potentiel incomparable de découverte de nouvelle physique fait du LHC l’instrument incontournable de la recherche en physique des particules pour les vingt ans à venir : ainsi, à partir de 2021, la prise de données reprendra à l'énergie nominale de 14 TeV ; puis à partir de 2026, de nouvelles évolutions du collisionneur devraient permettre de décupler le nombre de collisions (projet "HL-LHC" pour High Luminosity LHC).

Le LPSC appartient depuis 1991 à la collaboration ATLAS, aujourd’hui forte de plusieurs milliers de physiciens venant d’une quarantaine de pays. Le groupe s’est historiquement consacré à la calorimétrie à argon liquide, contribuant depuis la conception et la construction du détecteur jusqu’à la certification de la qualité des données. Cette contribution s’est achevée en 2018, alors que le groupe s’implique de manière croissante depuis 2014 dans la trajectométrie à pixels de silicium. Cette activité prend notamment la forme d’un engagement conséquent dans la conception et la construction du futur détecteur de pixels qui sera installé en 2024.

Les activités du groupe du LPSC se poursuivent également dans le développement d’applications dédiées à la gestion des logiciels et des données d’ATLAS, et dans la gestion de la grille de calcul tant au niveau local (Tier-2) qu’au niveau national (LCG-France) ou au sein de l’expérience ATLAS. Le groupe est également fortement impliqué dans le logiciel de reconstruction des objets (jets hadroniques et photons).
Enfin, le groupe du LPSC s’investit dans les analyses de physique proprement dites. Trois axes de recherche sont ainsi menés :
‐ La physique du quark top au sens large, autour d'un programme alliant des mesures de précision (production célibataire de quark top) et des recherches de nouvelle physique dans des états finals comprenant des quarks top.
‐ L’étude du secteur de Higgs avec la mise en évidence de la production associée avec des quarks top et des études prospectives de production de paires de bosons de Higgs.
‐ La recherche directe de nouvelle physique (graviton de Kaluza Klein, supersymétrie...) avec des photons dans l’état final.
‐ Au-delà des différentes analyses détaillées plus loin, il convient de souligner qu’un membre du groupe a pris en charge la coordination au niveau de la collaboration ATLAS pour les recherches directes de nouvelle physique - hors supersymétrie. Cela représente la coordination d'environ 60 analyses réalisées par 550 personnes.

 

2. Activités instrumentales

2.1 Calorimétrie à argon liquide

Après une contribution significative dans la construction du calorimètre à argon liquide, le groupe s'est impliqué depuis 2009 dans la validation de la qualité des données calorimétriques, avec notamment la responsabilité de sa coordination. Cette implication s'est achevée en 2018 avec la meilleure efficacité de validation jamais atteinte : ainsi 99.74% des données enregistrées par ATLAS ont été considérées comme de qualité optimale pour être analysées (voir Figure 1).

 ATLAS FIG1

 Fig. 1 : sources de rejet des données de la calorimétrie à argon liquide au cours du Run2

 

2.2 Trajectomètrie interne

L'équipe ATLAS du LPSC est engagée dans le projet ITk (Inner Tracker) depuis 2015. Il s’agit de remplacer entièrement le trajectographe actuel, qui ne pourra pas soutenir l’accroissement des doses de rayonnement, par un nouveau détecteur entièrement constitué de capteurs en silicium. Celui-ci devra être installé et testé à temps pour le démarrage du HL-LHC, prévu en 2026.

En 2015 s'est mis en place l'engagement du groupe dans la partie la plus interne de l’ITk, c’est à dire dans le détecteur à pixels, dans les études de faisabilité et de performance d’une géométrie avec capteurs inclinés. Ce concept a finalement été retenu par la collaboration ATLAS en vertu de l’amélioration de la performance de reconstruction des traces qu’il permet. L'équipe du LPSC, en collaboration avec le LAPP via le Labex Enigmass, a été un acteur majeur du développement de la simulation du détecteur à pixels dans le logiciel Geant4. Cette simulation détaillée a été utilisée pour déterminer les performances de reconstruction des traces qui figurent dans le Technical Design Report du sous-détecteur. Une activité de simulation, conduite au laboratoire, a permis de valider le choix des matériaux utilisés pour la construction du détecteur dans la simulation des interactions particules-matière. L'option de la géométrie inclinée des supports des senseurs a également été validée par les résultats obtenus en tests thermiques avec les prototypes fabriqués au LPSC et testés au LAPP.

Après le choix de la géométrie, la priorité de la communauté s’est portée sur le développement d’un démonstrateur destiné à tester la procédure et la mise en œuvre des solutions techniques permettant de construire la structure du détecteur. Dans ce cadre, en collaboration avec le CPPM et le LAPP, l’équipe du LPSC se concentre sur la partie intégration des cellules, ou « loading ». Avant d’être vissée sur le support, une cellule de senseurs devra être construite en collant la partie appelée module sur un support permettant d’assurer la connexion thermique avec les tubes de refroidissement. Chaque cellule carrée d’environ 5 cm de côté sera composée de 4 modules. Le choix de la colle est capital puisqu’elle doit à la fois être un excellent conducteur thermique et résister aux radiations. Le LPSC étudie la méthode d’application, qui doit permettre un dépôt uniforme de 75 m d’épaisseur de colle sur toute la surface concernée.

Ces opérations devront être reproduites plusieurs milliers de fois et aboutir à un placement des détecteurs extrêmement précis. La procédure doit donc être conçue et testée à l’aide d’une machine de mesures tridimensionnelles d’une précision de quelques microns. Le groupe s’est doté d’une telle machine, qui a été installée en 2018 dans une salle blanche construite pour l’accueillir, et qui permettra de manipuler les composants électroniques. L’ambition est de qualifier le laboratoire comme site officiel de chargement et montage des détecteurs à pixels ITk en 2020, pour une période de construction et d’assemblage se déroulant de 2021 à 2024.

ATLAS FIG2

Fig. 2. Mise en place et maniement de la machine de métrologie MMT destinée au projet ATLAS-ITk

En parallèle, le service mécanique du LPSC a pris la responsabilité de la conception et de la fabrication des brides qui permettront d’assembler les supports du détecteur en trois couches cylindriques concentriques. Ces brides doivent assurer la stabilité mécanique de l’ensemble, tout en introduisant le moins de matériel possible et permettre l'acheminement des services (câblage, etc..). La conception de ces brides nécessite également une attention particulière pour ne pas compromettre la stratégie de blindage électrique et de mise à la terre de la structure porteuse du détecteur interne. Le dessin des brides est validé par des calculs en éléments finis qui permettent de vérifier les déformations (thermiques, mécaniques) et de rechercher les modes de résonance. Il doit également être optimisé en vue de l’intégration. Les possibilités de fabrication et de construction sont testées à l’aide de prototypes. Les matériaux composites envisagés sont mis en forme au moyen de moules, qui nécessitent des développements spécifiques.

3. Activités logicielles et reconstruction

3.1 Traitement des données

AMI, un environnement logiciel pour les méta-données

Depuis plusieurs années une équipe de trois ingénieurs du service informatique du LPSC développe un environnement logiciel de base de données sur lequel se basent des applications essentielles pour l'ensemble de la collaboration ATLAS.

ATLAS Metadata Interface (AMI) désigne ces applications ainsi que cet environnement dédié à la gestion des méta-données de la totalité des volumes de données. Il inclut les interactions avec les systèmes de bases de données (Oracle, Postgresql, etc.) jusqu'aux interfaces internet pour les utilisateurs ou l'automatisation de la collecte des meta-données. AMI est utilisé par la collaboration pour collecter et maintenir accessible l'ensemble des méta-données des événements réels et simulés enregistrés par l'expérience ATLAS, mais aussi pour gérer les paramètres de configuration de l'ensemble des systèmes logiciels de la collaboration.
Outre la maintenance des logiciels et de l’intégrité des données, l'équipe a effectué d'importants travaux de développements. Ceux-ci concernent la nécessaire rénovation du cœur logiciel afin d'obtenir un système plus robuste, flexible et facile à maintenir, un nouveau système d'application web pour interagir avec le cœur et le développement d'un service de « dataset whiteboard » permettant à n'importe quel utilisateur d'annoter n'importe quel dataset.

Traitement distribué des données

Avec plus de 400~Po de données enregistrées sur disque ou sur bande et une capacité de calcul permettant de traiter entre 300 000 tâches en continu et en parallèle, la grille de calcul a permis de stocker, reconstruire et analyser les données du Run 2 du LHC.
Le LPSC participe à cet effort d’une part en mettant à disposition son site de grille WLCG de niveau Tier 2 (voir la partie "Plateformes technologiques"). Partagé principalement avec l’expérience ALICE, cet équipement est sous la responsabilité du groupe ATLAS.
D’autre part, le groupe est investi dans la gestion et la coordination des activités de traitement distribué des données tant au niveau français qu’au niveau de la collaboration ATLAS. Il s’est particulièrement impliqué dans le suivi quotidien des activités de traitement des données de l’expérience en lien avec les différentes équipes d’experts (« Computing Run Coordination »).


3.2 Activités de reconstruction des objets

Reconstruction des jets hadroniques

Les jets hadroniques sont abondamment produits dans les collisions de protons. Ils sont souvent présents dans l'état final d'un processus étudié et quand ils ne le sont pas, contribuent souvent de façon importante aux bruits de fond. Leur reconstruction et identification expérimentale sont donc primordiales et le groupe du LPSC est fortement impliqué sur ces sujets.
L'équipe maintient une activité dans le support et la maintenance des logiciels de reconstruction et d'analyse liés aux jets hadroniques. Elle contribue à l'important sujet des jets dans les régimes de hautes impulsions, avec notamment la codirection du sous-groupe dédié à l'étude de ces jets particuliers (reconstruits différemment des jets usuels) : étalonnage dans la simulation et les données, identification des particules massives (W, Z, quark top) se désintégrant hadroniquement. Finalement une activité portant sur une étape de l'étalonnage de l'énergie et de la masse des jets est aussi en cours. L'équipe contribue à l'écriture des logiciels dédiés à ces tâches et développe des solutions au problème numérique non-trivial lié à la correction de la réponse en énergie et masse. Le résultat de ces travaux a été adopté par la collaboration comme la méthode d'étalonnage officielle.

Reconstruction et identification des photons

Le bruit des canaux électroniques dans le calorimètre peut s'apparenter à un signal dû à des photons, qu’il convient d’éliminer dans les analyses. Le LPSC est responsable d'une procédure de nettoyage de ces faux photons.
Les photons sont identifiés et distingués des jets hadroniques à partir des formes de gerbes électromagnétiques reconstruites grâce à la fine segmentation du calorimètre. L'efficacité d'identification des photons est mesurée avec trois méthodes différente sur les données : à basse et moyenne énergie pour les mesures de précision, à haute énergie pour la recherche de nouvelle physique. Le LPSC est responsable de la combinaison de ces méthodes, dont les résultats sont illustrés sur la Figure 3, qui montre l'accord entre données mesurées et les simulations.

ATLAS FIG3

Fig. 3 : rapport entre les efficacités d'identification des photons mesurées et prédites par la simulation, en fonction de l'énergie transverse

 

4. Activités d'analyse

4.1 Physique avec le quark top

Recherche de production résonante de nouvelles particules se désintégrant en paires de top

Le quark top est la particule du modèle standard la plus massive. Avec une masse de l’ordre de l’échelle de la brisure de la symétrie électro-faible et son fort impact sur les corrections à la masse du boson de Higgs, le quark top a une place particulière dans de nombreux modèles de physique au-delà du Modèle Standard. Il est donc une sonde privilégiée dans la recherche de nouveaux phénomènes.

L'équipe a participé à la recherche d’une particule se désintégrant de façon résonante en une paire de quarks top. Aucune différence statistiquement significative n’a été mise en évidence dans les lots de données de 2015 et 2016 par rapport aux prédictions du Modèle Standard. Ces résultats ont ainsi été interprétés en terme de limite sur la masse de particules issues de différents types de modèles au-delà du Modèle Standard : technicouleur assistée par top-couleur, boson Z’, excitation de Kaluza-Klein de gluon ou de graviton.

Par ailleurs le groupe a réinterprété ces résultats dans le cadre de la recherche de matière noire. Si la matière noire, qui constitue 85% de la matière de l’univers, est formée de particules pouvant être produites au LHC, alors il est attendu que sa production mette en jeu une nouvelle particule qui se couple aux quarks ou aux gluons. Les contraintes obtenues sont complémentaires de celles des recherches de matière noire, via la recherche d'événements caractérisés par la présence significative d'énergie manquante (voir section 1.1.5.2), ainsi que des recherches directes de détection de matière (hors collisionneurs).

Recherche de production de paires de quarks top de même charge

Dans les collisionneurs hadroniques, les quarks top sont principalement produits, via l’interaction forte, sous forme de paires ayant des charges de signes opposés. Dans le cadre du Modèle Standard, la production de paires de quarks top de même charge est négligeable. Cependant, de nombreux modèles théoriques au-delà du Modèle Standard en prévoient une production non négligeable aux énergies fournies par le LHC. En particulier, cette production non-standard est possible dans le cadre de la supersymétrie. La recherche d’une telle production a fait l’objet d’une thèse de doctorat menée en collaboration avec l'équipe de physique théorique. Dans le cadre de cette thèse, un générateur Monte Carlo basé sur le modèle de supersymétrie avec R-parité violée a été développé et validé pour une production officielle d’échantillons d’événements Monte Carlo. Des études ont également été effectuées afin de caractériser dans les données expérimentales les contributions venant des différentes sources de bruit de fond. Les résultats obtenus ont été publiés dans deux articles ; ils présentent les limites extraites sur les contributions pouvant venir du type de nouvelle physique étudiée et sur les paramètres des modèles associés.

Étude de la production de quark top célibataire

Dans les collisionneurs hadroniques, les quarks top célibataires sont produits par interaction électrofaible, cette production impliquant un vertex Wtb. Le principal mode de production est la voie t impliquant l’échange d’un boson W virtuel, le quark top célibataire produit décroissant ensuite par interaction électrofaible en un boson W et un quark b. Le boson W peut décroître par la suite soit leptoniquement en un lepton chargé et un neutrino, soit hadroniquement en deux quarks légers. Les quarks top ainsi produits sont très fortement polarisés; des mesures de précision sur les différentes observables de polarisation permettent de contraindre fortement de potentiels couplages Wtb anormaux. L’activité du groupe du LPSC a, ces trois dernières années, porté sur les mesures de ces observables de polarisation dans le canal de décroissance leptonique. Un travail important a été mené afin de développer et valider les méthodes d’analyse, à savoir les procédures de convolution des différentes distributions angulaires à partir desquelles les observables de polarisation sont mesurées. L’analyse menée sur les données collectées en 2012 montre un bon accord avec les prédictions du Modèle Standard de l’ensemble des observables de polarisation étudiées, comme résumé sur la Figure 4.

ATLAS FIG4

                              Fig. 4 Observables de polarisation mesurées dans la production électrofaible de quarks top et comparaison avec les prédictions du Modèle Standard.

 

Recherche de boson de Higgs chargé se désintégrant en un quark top

De nombreuses extensions du Modèle Standard prévoient l'existence de nouveaux bosons de Higgs de grande masse. Depuis 2012, le groupe participe à la recherche d'un boson de Higgs chargé. La montée en énergie à 13 TeV du LHC a permis de pousser cette recherche dans la région la région de masse au-delà de 180 GeV. Le canal de décroissance exploité a été H+→tb, qui est prépondérant dans cette région. L'analyse a été conduite en deux modes, lepton + jet et dilepton, selon qu'un ou deux électrons/muons étaient exigés dans la signature. L'équipe a mis l'accent sur le canal dilepton. L'analyse la plus aboutie a été publiée en 2018. Elle exploite les 36.1 fb-1 enregistrés en 2015 et 2016 à 13 TeV. Elle exclut, avec un niveau de confiance de 95%, toute existence d'un boson de Higgs chargé dont le produit section efficace par rapport de branchement serait supérieur à 2,9 (0,07) pb pour une masse du boson H+ de 200 (2000) GeV.

 

4.2 Étude du secteur de Higgs

Mesure du couplage de Yukawa du boson de Higgs au quark top

La mesure directe du couplage de Yukawa entre le boson de Higgs et le quark top est possible via la production du boson de Higgs en association avec une paire de quarks top, notée ttH. Selon le mode de désintégration du boson de Higgs, il existe trois états finals dans lesquels le processus ttH peut être recherché : deux photons (H →γγ), deux quarks beaux (H → bb) et enfin un état final dit multileptons via la désintégration du boson de Higgs en paire de Z ou W ou leptons tau (H → WW, ZZ, ττ), ces particules se désintégrant à leur tour en leptons.
Le canal multileptons, sur lequel le groupe du LPSC est impliqué, est le canal dominant qui a permis de mettre en évidence dès l'été 2017 ce processus avec une significance de 4.2 σ.
En juin 2018, la collaboration ATLAS a rendu publique une analyse dans laquelle les états finals de plus petit rapport d’embranchement, ttH, H → ZZ → 4 leptons et ttH, H →γγ, ont été mis à jour. Grâce à une statistique accrue et à la combinaison de ces analyses améliorées avec les autres états finals, ATLAS a annoncé l’observation à 6.3 σ de la production du boson de Higgs en association avec une paire de quarks top. L'intensité du signal mesuré pour tous les canaux multileptons est représenté sur la figure 5 pour différents canaux avec un résultat combiné en accord avec la prédiction du Modèle Standard.
L’avenir de l’étude du processus ttH passe désormais par la prise en compte de l'intégralité de la statistique du Run 2 ainsi que par l’étude des distributions différentielles. L'équipe s'est particulièrement investie dans l'optimisation de la stratégie d'analyse, la compréhension des bruits de fond irréductibles ttW et ttZ, la réduction et l’estimation "data-driven" des leptons non-prompts et l’interprétation statistique des résultats. Dans ce cadre, un membre de l'équipe a également endossé la responsabilité globale de l'analyse 2ℓSS+τhad avec deux électrons ou muons de même signe et un lepton tau décroissant hadroniquement.

 

ATLAS FIG5

Fig. 5. Intensité du signal mesuré dans tous les canaux de désintégration multileptoniques.

 

Étude prospective de la production de paires de Higgs

Dans le Modèle Standard, le potentiel de Higgs est postulé de façon ad hoc. Aucune explication plausible de son origine n'est donnée. La mesure de l'auto-couplage du boson de Higgs, c'est à dire la constante de couplage  associée à un vertex de trois bosons de Higgs, permet de reconstruire expérimentalement le potentiel de Higgs et ainsi de vérifier le mécanisme de Higgs.
La façon la plus directe de mesurer  consiste à étudier la production de paires de bosons de Higgs (HH). Dans le cadre du Modèle Standard, le taux de production de HH est 500 fois plus faible que celui des bosons de Higgs simples et une mesure précise nécessite les données du HL-LHC. Suite au travail de prospectives du LPSC en 2015, l'équipe ATLAS du LPSC a décidé de concentrer - après les analyses des données du Run 2 en cours - ses efforts d'analyse sur ce sujet.
Le travail de l'équipe sur la mesure de  a commencé fin 2017 avec la conclusion de deux des analyses des données du Run 2. L'équipe a élaboré une étude qui quantifie la précision attendue dans le canal H(→bb)H(→γγ) avec les données du HL-LHC. Cette étude a été publiée dans le CERN Yellow Report sur la physique au HL-LHC. Ces résultats sont mis en avant dans le résumé de dix pages du Yellow Report que le CERN a soumis comme contribution à la mise à jour de la European Strategy for Particle Physics (ESPP) appelée à paraitre en 2020. Ces nouveaux résultats constituent une contribution majeure à cette étude stratégique en cours sur le futur de la discipline : alors que les études précédentes ne permettaient pas d'affirmer que le HL-LHC observera la production de HH, les nouveaux résultats démontrent que la découverte de HH est possible et que la mesure de  avec une précision de 50 % ou mieux est atteignable.
Si les méthodes pour la sélection et l'isolation du signal HH du bruit de fond sont performantes, les méthodes d'extraction de restent encore simples. De grandes améliorations de la précision sont attendues avec l'utilisation future de la méthode de la matrice. Elle fait un usage optimal de la cinématique des évènements pour l'extraction du signal. Un premier travail a permis une première implémentation de cette méthode pour H(→bb) H(→γγ).

ATLAS FIG6

Fig. 6. : précision expérimentale attendue (expérience ATLAS seule ; l’expérience CMS prévoit une précision comparable) sur le paramètre kl qui représente la constante de couplage Lambda mesurée divisée par la valeur de Lambda prédite dans le cadre du MS.

 

 4.3 Recherche de nouvelle physique avec des photons

Recherche de matière noire dans un état final avec un seul photon

Une piste envisagée pour expliquer la nature de la matière noire est de postuler l’existence d’une nouvelle particule massive interagissant faiblement (WIMP). Un mode de recherche de ces particules au LHC est la présence d’un photon énergétique issu de la radiation initiale et d’une grande impulsion transverse manquante due aux WIMPs. Le LPSC a participé à l’édition de la publication sur les données à 13 TeV de 2015 et 2016. Ce canal est l’un des nombreux canaux possibles et la publication de la combinaison de tous ces canaux, incluant la résonance de paires de quark top a été coordonnée par une membre de l’équipe. Un exemple en est donné sur la figure 7.
Recherche de nouvelle physique avec deux photons dans l'état final

L'équipe du LPSC est impliquée depuis 2010 dans la recherche de physique au-delà du Modèle Standard dans un état final avec deux photons. Il existe par exemple des théories de dimensions supplémentaires (modèles de Randall – Sundrum ou de Arkani-Hamed-Dimopoulos- Dvali) qui prédisent l’existence d’excitations d’un graviton de spin 2 pouvant se désintégrer en deux photons.

Cette recherche s’appuie sur la très bonne résolution en énergie du calorimètre, qui permet d’identifier un pic ou une queue de distribution se manifestant au-dessus du bruit de fond irréductible du Modèle Standard.
En 2015, un excès avait été observé à une masse invariante autour de 750 GeV. L’analyse de l’ensemble des données du Run 2 n’a pas permis de confirmer cet excès. Des limites inférieures sur les masses des gravitons ont pu être dérivées à 4.1 TeV pour le modèle résonant (modèle de Arkani-Hamed-Dimopoulos- Dvali) et 7.2 TeV pour le modèle non résonant (modèle de Randall – Sundrum).

ATLAS FIG7

Fig. 7. Exemple de complémentarité des différents canaux de recherche dans un modèle où des WIMPs sont produits via un boson vecteur. La complémentarité dépend des couplages aux quarks et aux WIMPs qui sont indiqués sur le graphique

Recherche de nouvelles physiques avec des photons collimés dans l'état final

La production de photons collimés, issus d'une particule X se désintégrant en deux particules a qui se désintègrent chacune en plusieurs photons, a été prédite comme une interprétation possible de l'excès observé à 750 GeV dans l'analyse di-photons. Ces photons collimés sont reconstruits comme un seul photon lorsque ma<0.01 mX. Cette recherche est similaire à la recherche de résonances di-photons avec des critères additionnels de sélection utilisant les formes de gerbe. Le spectre de masse observé est compatible avec le bruit de fond. Les résultats sont interprétés selon des scénarios avec 4 à 12 photons dans l'état final.

ATLAS FIG8

Fig. 8 : Significance en fonction de la masse made la particule intermédiaire et de la masse mXde la particule résonante.

 

5. Futur collisionneur : R&D pour l’ILC

L’ILC (International Linear Collider) est un projet de collisionneur d’électrons et de positrons à une énergie totale comprise entre 90 GeV et peut-être à long terme de 1 TeV. L’équipe ATLAS, via J.Y. Hostachy, s’est historiquement préparé depuis les années 2010 en vue d’un tel projet en orientant ses efforts sur les activités de Recherche et de Développement en mécanique, en continuité avec l’historique et le savoir-faire du groupe portant sur la calorimétrie électromagnétique (EM). Un membre de l’équipe est membre de la collaboration internationale CALICE (CAlorimeter for the LInear Collider Experiment) qui regroupe 57 Instituts de 17 pays différents provenant des 4 continents
: Afrique, Amérique, Asie et Europe ; ainsi que de la collaboration internationale ILD (International Large Detector). Cette activité concerne essentiellement des R&D techniques et instrumentale.
Les travaux du Service Études et Réalisations Mécaniques ont été réalisés en collaboration avec les laboratoires LLR de Palaiseau et le LAL d'Orsay.

ATLAS FIG9

Fig. 9. Réalisation d’une couche 3 alvéoles de 2m50, d’un grand module du bouchon EM

Au LPSC-Grenoble, l’équipe est ainsi engagée dans :
1. La conception de l'architecture générale des bouchons EM : structure alvéolaire haute résistance (tungstène + fibres de carbone), dessins avancés, simulations numériques et réalisation de prototypes à structures longues (2,5m), voir Figures 9.
2. L'assemblage et le positionnement de l'ensemble (tonneau + bouchons) du calorimètre EM : conception et réalisation de rails en composite structurel ou en aluminium avec passage des fluides et commandes.
3. La définition du système de thermalisation de l'ensemble du calorimètre EM : système de circulation d'eau sous-atmosphérique "leakless", prototypes d'échangeurs thermiques, centrale de refroidissement, étude détaillée de l’installation globale (circuits, vannes, etc...), test en grandeur réelle (exemple : thermalisation du module EUDET), test d'une boucle sous-atmosphérique prototype. Ces derniers tests ont constitué mi-2018 le livrable D14.8 du contrat Européen (FP8) AIDA2020, contrat dans lequel le LPSC à la responsabilité du WP14.5.2 (Compact and highly efficient cooling systems), voir Figure 10.
4. La réalisation d'un outillage de manutention et l'étude des différentes étapes de l'intégration des bouchons dans le détecteur ILD.
L’avenir de cette activité est actuellement suspendu à la décision de la communauté – et de l’IN2P3 - de s’engager dans la construction de l’ILC. Les compétences acquises et développées dans le domaine (matériaux composites, refroidissement) pourront faire l’objet de valorisation auprès d’autres projets si celui-ci ne devait aboutir.

ATLAS FIG10

Fig. 10. Rails de fixation et réseau de refroidissement sous-atmosphérique du ECAL