1. Introduction
L’activité de recherche du groupe Plasmas-Matériaux-Nanostructures porte sur des aspects fondamentaux et technologiques des plasmas micro-onde, allant de la conception, l’étude et le développement de sources plasma unitaires, jusqu’à la mise en œuvre de réacteurs et de procédés par plasma. Elle est structurée autour de deux principaux axes : 1) conception et étude de sources plasma micro-ondes ; 2) applications des plasmas aux procédés en volume et sur surface. Ces activités sont menées en collaboration avec des partenaires académiques comme par exemple, l’Université de Patras, l’Institut Topchiev de Moscou, l’École Polytechnique de Lausanne, l’Université de Mostaganem (pour l’activité développée autour de la production d’hydrogène, EURO-Fusion), l’Université de Montréal et l’INRS de Varenne-Québec (pour les technologies plasma et procédés sur grande surface LIA-STEP, Carnot-Energies du futur, GDRI-NMC). L'équipe apporte également des compétences et savoir-faire complémentaires dans des projets collaboratifs menés en partenariat avec différents groupes de recherche de : IMMM (UMR6823), LPGP (UMR8578), CEA-IRFM, ESRF, ICMPE (UMR7182). Les projets à vocation applicative ont été conduits en partenariat avec des industriels comme, par exemple, Valeo, Ugitech, Thales, IREIS.
2. Physique et ingénierie des plasmas micro-ondes
Ce volet couvre aussi bien la physique et l’ingénierie des réacteurs plasma, que les méthodes et techniques de diagnostic associées. En ce qui concerne les réacteurs plasma, il s’agit d’une technologie propre au LPSC qui vise principalement l’extension d’échelle des procédés par la répartition spatiale (sur surface ou en volume) de sources de plasma élémentaires alimentées individuellement en micro-ondes. L’activité de recherche est essentiellement centrée sur l’évolution et le perfectionnement continuels de ces sources élémentaires en vue de l’extension du domaine opératoire (pression, puissance, fréquence) et de l’optimisation de l’efficacité énergétique, du générateur de micro-ondes jusqu’à la terminaison de l’applicateur d’onde où le plasma est produit. Ainsi, suivant les applications visées, plusieurs types de sources élémentaires ont été développées pour aboutir à une configuration capable d’opérer sur un domaine de 4 décades en pression.
Physique des décharges micro-ondes
Outre les avantages procurés au niveau des applications, la source à domaine opératoire étendu a permis l’étude, par deux approches (expérimentation et modélisation), des modes de couplage de l’onde électromagnétique avec les électrons, et la mise en relation de ce couplage avec le comportement global du plasma à travers son impédance. Aussi, il a été mis en évidence que le caractère capacitif ou inductif du couplage est étroitement lié aux dimensions de la gaine, cette dernière étant principalement fixée par la géométrie du système d’injection de l’onde et par la fréquence de celle-ci. Cette étude fondamentale a également permis d’identifier, selon la puissance injectée dans le plasma, différents modes de propagation (électromagnétique ou électrostatique) de l’onde, ainsi que les mécanismes d’absorption de puissance par les électrons.
Ingénierie des décharges micro-ondes
La connaissance précise de l’impédance du plasma est essentielle pour la conception d’applicateurs d’onde avec une transmission maximale de puissance (du générateur jusqu’à la décharge) sur des fenêtres opératoires prédéfinies par les applications visées. Pour la détermination de l’impédance du plasma (dissociée du système de transmission de l’onde au plasma), deux techniques ont été développées sur un banc de mesures mis en œuvre au LPSC. Cette approche a été appliquée pour le développement d’une source plasma à pression intermédiaire (de l’ordre de quelques Torrs) dédiée au dépôt de diamant sur grande surface (projet ProExtenD en maturation 2017-2018, SATT-Linksium). En particulier, l’influence de la fréquence de l’onde a été étudiée pour valider l’expansion spatiale (figure 1) et l’uniformité du plasma jusqu’à des pressions de quelques dizaines de Torrs. La validation de l’uniformité a été réalisée dans un démonstrateur (à 12 coupleurs) mis en œuvre au LPSC, et des résultats très prometteurs ont été obtenus pour la croissance du diamant nanocristallin et microcristallin (figure 2) sur des substrats de 100 mm de diamètre, et ce dans un même réacteur, uniquement par changement de paramètres opératoires. Le procédé d’élaboration du diamant en film mince est en cours de développement pour optimiser la vitesse de croissance. Les résultats obtenus sont d’une importance majeure, non seulement pour le cas particulier du dépôt de diamant, mais aussi pour tout autre procédé qui exige l’utilisation de fortes puissances et des pressions supérieures au Torr, afin d’assurer de grandes vitesses ou cadences de fabrication avec uniformité conforme.
Figure 1 : Plasma d’hydrogène (H2, 1 Torr, 200 W) obtenu par deux sources élémentaires différentes à 2.45 GHz (gauche) et à 915 MHz (droite).
Figure 2 : Film de diamant polycristallin obtenu par PECVD (plasma de mélange CH4/H2à 5 Torr) sur une plaquette en Si (Ø 100 mm).
Physique des plasmas et Techniques de caractérisation associées
La spécificité des sources plasma développées au sein du groupe réside dans la séparation de fonctions : production du plasma et polarisation indépendante des surfaces immergées dans la décharge. En plus du domaine très large en pression et en puissance qui peut être exploré, cette séparation de fonctions permet la réalisation d’études paramétriques pour la recherche fondamentale, aussi bien au niveau de la production d’espèces en volume, qu’au niveau de l’interaction plasma-surface. Nos études ont été concentrées sur les plasmas d’oxygène (pour l’étude de la cinétique de réactions de croissance des oxydes de vanadium) et d’hydrogène (pour l’étude de la production d’atomes d’hydrogène et d’ions atomiques négatifs). Pour ces études, des techniques de caractérisation spécifiques sont utilisées, dont certaines développées au LPSC.
Dans les plasmas d’hydrogène, une activité importante a été menée, au niveau fondamental, sur le bilan production-pertes d’espèces à l’interface plasma-matériau (2 thèses en cotutelle avec les universités de Patras et de Mostaganem). Les travaux réalisés au LPSC et au synchrotron SOLEIL (sur la ligne de lumière DESIRS) ont permis de mettre en évidence l’effet, par rapport au quartz, de la nature du matériau en contact avec le plasma (W, Ta), autant sur la densité d’ions négatifs, que sur les intensités d’absorption des raies relatives aux molécules H2*(v’’>6, J’’). Le même bilan a été effectué en volume, dans des plasmas d’hydrogène obtenus dans différents types de réacteurs, tels que : CYBELE du CEA-Cadarache, RAID de Suisse Plasma Center, source d’ions du LPSC. Cette étude, très importante du point de vue applicatif, a permis de démontrer :
i) l’efficacité d’une source hélicon de type « birdcage » par rapport à un plasma inductif classique
ii) la création d’ions négatifs H-/D- à la périphérie de la colonne de plasma, ce qui tend à accréditer une production par attachement dissociatif entre molécules H2*(v’’>6, J’’) et électrons de faible énergie
iii) l’effet isotopique sur le courant d’ions négatifs extraits car I (D-) < I (H-).
3. Physique et ingénierie des matériaux en couches minces
La flexibilité que confère la technologie plasma développée au LPSC grâce à la séparation de fonctions et au contrôle quasi-indépendant du flux et de l’énergie de bombardement d’une surface, permet d’envisager et de mettre en œuvre des procédés d’élaboration des matériaux complexes de composition et structure contrôlées. C’est le cas, en particulier, des matériaux fonctionnels pour le stockage et la conversion d’énergie, ou encore pour des films intégrés dans les technologies de détecteurs ou de nouveaux radiateurs intelligents (Smart Radiator Devices). De manière générale, le contrôle des paramètres de procédés (flux d’énergie et température du substrat) est essentiel, d’une part, pour l’élaboration d’un matériau complexe (binaire, ternaire...) de composition déterminée et, d’autre part, pour l’étude des conditions requises pour la croissance sélective d’une phase souhaitée. La pulvérisation (réactive ou non) assistée par plasma multi-dipolaire (technologie développée au LPSC) constitue donc un outil parfait pour l’élaboration des composés en films minces et pour l’étude paramétrique du procédé corrélé aux propriétés structurales des films. Ainsi, l’étude de différents matériaux fonctionnels a été réalisée dans le cadre des projets consacrés :
i) aux hydrures complexes à base de magnésium (post-doc / CARNOT et projet collaboratif avec l’équipe de Chimie Métallurgique des Terres Rares de ICMPE),
ii) aux composés à changement de phase (ANR-PRCI, LIA-STEP),
iii) aux contacts électriques sur diamant monocristallin (ANR MONODIAM) ; iv) films en multicouches pour l’imagerie neutronique de haute résolution (projet collaboratif avec l'équipe UCN du LPSC).
Dans le domaine des détecteurs, une réalisation importante concerne la croissance séquentielle du bore et des interfaces (Ti, Ni) directement sur le CCD de comptage de neutrons ultra-froids (figure 3), ou encore, la réalisation des contacts métalliques sur des détecteurs à diamant, et ce, sans films catalyseurs d’interface et avec des métaux moins onéreux (Al, Cu, In) que celui qui est habituellement utilisé (Au).
Figure 3 : Dépôt de Ni/10B/Ti (gauche) par pulvérisation assistée par plasma multi-dipolaire réalisé sur un détecteur CCD (droite).
Dans le domaine de l’énergie, des films de Mg-Ti-H avec différentes teneurs en Ti ont été élaborés afin d’étudier la transformation de microstructure et de propriétés fonctionnelles du MgH2 induite par l’élément dopant. Par rapport au même composé non-dopé, les principaux résultats obtenus pour un film de MgH2 dopé avec 5% de Ti sont l’augmentation d’un facteur 8 de la vitesse de désorption de l’hydrogène ainsi que la diminution de la température de désorption qui passe de ~420 °C à ~275 °C (figure 4).
L’étude menée en collaboration avec ICMPE (sur les anodes de conversion dans les batteries Li-ion) a permis de démontrer que les phénomènes d'irréversibilité dans les films de MgH2 lors du cyclage électrochimique sont dus au transport de masse lent (à température ambiante) des espèces dans l'électrode (MgH2/Cu), et non pas à la dégradation de contact électronique comme il était auparavant supposé. Ce résultat est d’une importance majeure dans la définition des stratégies futures de développement des batteries Li-ion qui devraient être axées sur la compréhension et l'amélioration du transport de masse à l'état solide d'atomes d'hydrogène, de lithium et de métaux dans l'électrode.
Figure 4 : Influence de la concentration du Ti sur la température de déshydrogénation du MgH2.
Dans le domaine des composés à changement de phase, tels que les matériaux thermo-chromiques (VO2), les principaux défis actuels sont : l’obtention de la phase VO2 sur des grandes surfaces (> cm2) et à des températures inférieures à 500 °C. Par rapport aux techniques bien maîtrisées (Plasma-Laser-Deposition, Magnetron) pour le dépôt sur des substrats de petites dimensions et aux procédés développés en deux étapes (dépôt suivi de recuit ex-situ) pour la diminution de la température, la méthode élaborée au LPSC et les résultats obtenus se démarquent par :
i) La synthèse du VO2 in-situ, en une seule étape (sans recuit),
ii) le dépôt sur une surface de 100 mm de diamètre
iii) le dépôt à 350 °C, avec des propriétés microstructurales et physiques conformes (figure 5).
Ces résultats sont essentiels pour un développement industriel du procédé.