PROJET FFFER
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Forced Fluoride Flow for Experimental Research
Boucle en convection forcée pour l’étude du nettoyage en ligne de caloporteurs de type sel fondu
Bien qu'on en entende moins parler, les sels fondus demandent une mise en oeuvre très similaire à celle des métaux liquides. Le domaine scientifique qui les associe est la pyrométallurgie, née du besoin de trouver des procédés d'extraction et de raffinage permettant d'obtenir des métaux à partir de gisements naturels (ceux-ci, il faut le rappeler, ne sont pas constitués de métaux, mais d'oxyde, de sulfures, de carbonates, de silicates.. ). Ils seront aussi associés de la même manière dans les procédés de récupération des métaux, quand ceux-ci seront enfin arrivés au niveau de maturité digne d'une société développée et durable. Ils peuvent tout deux remplacer l'eau comme caloporteur dès que la température s'élève trop. Dans ce dernier type d'utilisation, les développements passent forcément par la construction de boucles de circulation forcée. C'est ce que nous avons entrepris au laboratoire dans le cas de fluorures liquides ... challenge passionnant et fertile !
Avant de décrire les aspects techniques du travail, rappelons les raisons qui nous ont conduits à cette démarche :
Concept du MSFR (Molten Salt Fast Reactor)
C’est un concept de réacteur de Génération IV développé dans le groupe "Physique des Réacteurs". Contrairement aux réacteurs nucléaires actuels et aux autres concepts de réacteurs de Generation IV, il utilise un combustible liquide. Ce liquide est un mélange de fluorures composé majoritairement de 7LiF et de ThF4. D’autres fluorures d’éléments fissiles de la série des actinides (233U, 235U, Pu et autres actinides mineurs) viennent compléter cette base. La composition du sel n’est pas fixée de manière univoque mais pourrait varier selon des choix de mode de fonctionnement (démarrage de filière ou au contraire accent mis sur la destruction de déchets provenant d’autres réacteurs).
En première approche, les grandes lignes du concept peuvent se rassembler sur un schéma conceptuel très simple, la réalité technique serait bien entendu plus complexe et présenterait un design adapté aux écoulements :
La partie où se localise la production d’énergie est en fait le canal central qui est parcouru par le sel combustible de bas en haut. La circulation du sel se scinde en plusieurs boucles de retour (16 dans le cas du concept actuel) équipées chacune d’une pompe et d’un échangeur thermique. L’ordre de grandeur des dimensions du canal central cylindrique est 2,5 m pour le diamètre et la hauteur. Un des intérêts d’utiliser un combustible liquide réside dans le fait qu’il regroupe à lui seul deux fonctions qui sont séparées dans le cas des réacteurs à combustibles solides : la fonction support des éléments de « combustible » (par exemple les pastilles d’oxyde d’uranium) et la fonction de « caloporteur » qui permet de transporter l’énergie produite. Le combustible peut aussi être déplacé par écoulement gravitaire dans des réservoirs de géométries adaptées pour éviter tout risque de criticité et environnés de manière à assurer une évacuation de la puissance résiduelle. Ce concept comme tous les autres systèmes de Generation IV est surrégénérateur.
Au cours de la vie du réacteur, il va se former différents types de produits de fission, certains sont des gaz, d’autres des éléments qui peuvent rester en solution dans le sel, ou bien encore des élements qui resteront sous forme solide. De plus, la circulation du sel à haute température va créer des phénomènes de corrosion/abrasion des matériaux de structure conduisant aussi à l’apparition de particules. Pour maîtriser à long terme le fonctionnement et la sûreté du réacteur, un processus de nettoyage du sel est nécessaire. Il est bâti sur deux procédures indépendantes l’une de l’autre :
- une procédure de retraitement "pyrochimique", effectuée sur des prélèvements de faible quantité de sel, permettant en environ 5 ans un retraitement de la totalité du volume du sel combustible. Ce retraitement a pour but d’extraire certains des produits de fission solubles dans les fluorures à fin de maintenir la surrégénération à long terme.
- une procédure de traitement en mode continu pour extraire les particules solides et les gaz de fission. L’objectif principal de ce traitement est de préserver les circuits et les échangeurs thermiques mais il contribue aussi à simplifier le traitement pyrochimique du sel en supprimant certains précurseurs gazeux dès les premières étapes des chaînes de désintégration.
La procédure de traitement envisagée pour le mode de nettoyage en continu consiste à injecter dans le sel des bulles qui vont, durant leur séjour dans le liquide, absorber une partie des gaz de fission dissous, capturer les particules rencontrées et drainer l’ensemble vers le point de séparation liquide/gaz forcément associé à cette procédure. L’efficacité de ce mode de nettoyage est directement liée à la répartition des bulles et aux techniques utilisées pour les étapes de séparation liquide/gaz et de récupération des particules. Le système d’injection des bulles (à un taux d’environ 0,05 % du volume du cœur) se placerait à l’arrivée du sel à la base du cœur, et la partie séparation liquide/gaz à la sortie en haut du cœur. Le canal central serait donc parcouru en fonctionnement normal par un sel qui contient des bulles.
Les travaux expérimentaux entrepris actuellement au laboratoire portent sur ce mécanisme de nettoyage depuis l’injection des bulles jusqu’à la séparation liquide/gaz. Ils se font dans une géométrie qui n’est évidemment pas celle du réacteur mais dans des conditions suffisamment pertinentes pour apporter des éléments d’information importants. Ils permettent, de plus, de se familiariser avec les difficultés liées à la mise en œuvre des sels fondus en conditions dynamiques.
Projet expérimental FFFER (Forced Fluoride Flow for Experimental Research)
Le projet regroupe à la fois des travaux « amont » sur des maquettes hydrauliques, un travail de conception de l’ensemble expérimental qui devra fontionner avec le sel fondu, et tous les travaux de construction. Le sel utilisé est le mélange LiF-NaF-KF. L’installation est constituée des élements indispensables à l’étude du mécanisme de nettoyage par bullage : l’idée de base est de disposer d’une boucle de recirculation rapide du sel (> 0,80 m/s), dans laquelle on injecte de manière continue en un point des bulles d’un gaz neutre (helium ou argon). Ces bulles sont ensuite séparées du liquide au niveau d’un séparateur Liquide/Gaz.
Les informations quantitatives doivent être obtenues par un suivi de l’évolution de la composition de la phase gazeuse en haut de séparateur. Par exemple, si on injecte pendant un certain temps le même gaz neutre (argon) le sel qui peut en contenir un certain taux en solution va finir par se saturer. Le volume en haut du séparateur ne sera aussi consitué que d’argon au bout d’un certain temps. En changeant alors brusquement la nature du gaz injecté (passage à l’helium), le suivi du rapport He/Ar doit nous fournir des informations sur la cinétique d’extraction du gaz dissous dans des conditions d’exploitation données (T, débits sel et gaz, géométrie du séparateur).
Du principe énoncé ci-dessus au montage de l’expérience réelle à partir de zéro, il y a vraiment un très grand pas à franchir (il y en aurait un autre tout aussi important pour passer à une simulation numérique correcte, qui n’est pas prévue pour l’instant).
Le design global de l’installation en cours de construction est le suivant :
La boucle est constituée d'une circulation courte comprenant une partie tubulure munie d’un injecteur de bulles et deux cuves, l'une est destinée à recevoir le circulateur, situé au point haut du circuit, l'autre étant la cuve où s'effectue la séparation entre la phase liquide et la phase gaz. Le détail des couvercles des cuves n’est pas représenté, elles sont munies d’entrées/sortie de gaz, d’entrées de mesures de température et de niveau, et pour le circulateur, du passage de l’axe du rotor. La boucle est séparée du réservoir de sel par deux systèmes distincts. L’un est une vanne de type boisseau sphérique et l’autre un dispositif permettant de former un bouchon de sel solidifié bloquant le passage du liquide. Les deux sont montés sur l’installation, le suivi de leur comportement fait partie des objectifs du projet.
La réalistion mécanique de l’ensemble est faite au laboratoire. L’assemblage de certaines parties est préparé en place, comme le montre la photographie ci-dessous.
Le mélange de sel nécessaire au projet a été fabriqué dans les boîtes à gants du laboratoire sous forme de blocs de 6,5 kg environ (180 kg en tout). Ce sel est à présent dans le réservoir et a déjà permis de tester une partie du fonctionnement du circuit (ensemble réservoir, vanne et « bouchon froid »).
La mise en fonctionnement du circuit complet se fera courant 2013.