Cinétique de multiplication neutronique

Le programme expérimental MUSE-4 s’est déroulé au CEA Cadarache, auprès du réacteur expérimental MASURCA sur la période 2000 - 2004. Il avait pour objectif général la compréhension de la physique des massifs sous-critiques et plus particulièrement la maîtrise dans de tels systèmes, de la cinétique de multiplication neutronique. À cet effet le LPSC (groupe de physique des réacteurs et service des accélérateurs) a développé un générateur de neutrons pulsé intense, GENEPI, qui a été couplé au réacteur MASURCA début 2000. Les années 2003 et 2004 ont été consacrées aux études du comportement du système couplé générateur-réacteur, pour différents niveaux de sous-criticité du coeur. L’interprétation de ces expériences a permis de démontrer qu’il est possible de maîtriser :

  • la mesure du facteur de multiplication prompt d’un assemblage sous-critique à spectre neutronique rapide,
  • la mesure du pourcentage de neutrons retardés, qui, associée au coefficient de multiplication prompt, donne accès au niveau de sous-criticité global du système.

Une méthode originale a été développée pour chacune de ces deux mesures. Le coefficient de multiplication prompt est obtenu par une modélisation complète de la distribution des intervalles de temps entre deux fissions de la même chaîne. Cette prise en compte de tous les détails de la distribution permet de pallier les insuffisances des modèles habituels de la cinétique des réacteurs, qui se limitent en général au premier moment de la distribution. La multiplication neutronique retardée a été caractérisée en modulant temporellement la fréquence des impulsions de neutrons source délivrées par GENEPI. Une alternance de phases à haute et à basse fréquence de répétition de l’impulsion a ainsi permis la mesure de la fraction de neutrons retardés. L’exploitation des résultats expérimentaux obtenus a validé l’utilisation de ces méthodes sur une plage de sous-criticité couvrant largement le domaine de fonctionnement d’une future installation de puissance (0,995 > k eff > 0,96). Nous avons aussi étudié la possibilité d’adapter ces méthodes, développées pour une excitation impulsionnelle, à un fonctionnement continu de l’accélérateur, qui serait le mode naturel d’une installation de puissance. Cette adaptation fait appel à des interruptions de faisceau suffi samment brèves pour qu’elles ne perturbent pas la thermique du système.


Spectrométrie neutronique

Les méthodes développées pour prévoir la cinétique des réacteurs font largement appel à la modélisation stochastique du processus de multiplication neutronique au sein du coeur. Cette modélisation repose naturellement sur une bonne connaissance du spectre en énergie des neutrons. Pour vérifier cela, nous avons développé une technique de spectrométrie neutronique, basée sur l’utilisation de mini compteurs proportionnels chargés partiellement en gaz He3. Pour la première fois la distribution en énergie des neutrons de multiplication a pu être mesurée au sein même d’un réacteur rapide et comparée aux résultats d'une simulation numérique. L’excellent accord observé sur cette figure est une validation a posteriori des bases de données nucléaires utilisées pour le calcul.

Distributions expérimentale
et simulée des énergies de neutron
dans le réacteur MASURCA (MUSE-4)

 

L’ensemble des résultats obtenus au cours de ce programme devrait naturellement trouver une application auprès d’un futur prototype de puissance, deuxième étape sur la route menant à la réalisation d’une installation dédiée à l’incinération des actinides mineurs produits par l’industrie électronucléaire.