Dans la continuité des travaux menés par le LPSC sur GUINEVERE – maquette pour l’étude de la faisabilité des réacteurs hybrides (faisceau de deutons 250 W, réacteur de 150 W)  - le laboratoire est engagé sur le projet MYRRHA (pour « Multipurpose hYbrid Research Reactor for Hightech Applications »).

Porté par le SCK-CEN, le projet MYRRHA, vise la réalisation d’un un démonstrateur de réacteur hybride (50 à 100 MWth) afin d’étudier la faisabilité de la transmutation des déchets nucléaires hautement radiotoxiques.  La réaction en chaîne, dans le cœur sous-critique de ce réacteur à neutrons rapides, sera entretenue grâce à des neutrons de spallation. Ces neutrons de spallation seront produits par l’impact d’un faisceau de protons sur une cible : un eutectique de  plomb-bismuth.  

Le faisceau de protons sera délivré, en mode continu (CW), par un accélérateur de forte puissance (4 mA – 600 MeV) dont la grande particularité est son niveau de fiabilité extrême : et ceci afin de garantir disponibilité et la robustesse du réacteur qu’il pilote. En effet, des arrêts faisceau trop fréquents peuvent induire des contraintes thermiques sur la cible et le cœur du réacteur, et par conséquent endommager les structures. Ainsi, l’objectif fixé pour le nombre d’arrêt faisceau acceptable est de : 10 interruptions intempestives d’une durée inférieur à 3 secondes, et ceci pour cycle opératoire de 3 mois.  La solution de référence retenue pour cette machine est un accélérateur linéaire supraconducteur (dont les études de R&D sont actuellement menées au sein du projet MAX), qui permet la mise œuvre d’un schéma de compensation de panne rapide grâce à l’acceptance des cavités. L’accélérateur est composé d’un injecteur, redondant  pour en maximiser la fiabilité, suivi de trois sections accélératrices formées de cavités de type «spoke» puis «elliptique» portant le faisceau à une énergie de 600 MeV avant son transport sur la cible de spallation. 

Dans une première phase de R&D dédiée à cette installation multi-mégawatts, le LPSC assure la construction, la mise en œuvre et les tests d’un prototype de la ligne de transfert  basse énergie (LEBT) de l’injecteur de protons (10 mA, 30 keV). Cette ligne a pour but de produire le faisceau de protons et de le mettre en forme pour son accélération dans le quadripôle radiofréquence (RFQ) de l’injecteur. Toujours dans le souci de maximiser la fiabilité et la disponibilité faisceau, le design de la LEBT s’est orienté vers une ligne compacte dans laquelle on a minimisé la présence d’élément électrostatique.  Elle comprend une source d’ions, fournie par un industriel, des éléments magnétiques combinés (solénodes) pour la focalisation et le guidage de faisceau, des diagnostics, un système de déviation rapide de faisceau (chopper), un arrêt de faisceau, des systèmes de pompage précis pour la régulation de la pression des gaz résiduels et un système de contrôle-commande. La conception mécanique de la LEBT est en cours d’achèvement :

  • après définition, les éléments magnétiques sont en cours d’approvisionnement,
  • la conception de l’arrêt de faisceau a été validée par des études thermiques,
  • un système de 4 palettes indépendantes permettant l’ajustement de l’extension spatiale du faisceau a été conçu,
  • des diagnostics permettront la mesure des émittances et des profils transverse du faisceau.

LEBT MYRRHA 3D

Vue en perspective de la LEBT: depuis la source jusqu'au second solénoïde.

 

Après dimensionnement, les équipements du système de pompage ont été commandés. Le SCK est responsable de la conception et de la construction du chopper. Le développement du système de contrôle-commande de la ligne est mené äu sein d'une collaboration entre le LPSC, le SCK-CEN et un industriel. Un site a été aménagé pour accueillir la ligne qui sera caractérisée au LPSC avant son transfert vers la Belgique pour son couplage avec le RFQ. 

beam enveloppe

Simulation  du faisceau dans la LEBT en supposant une compensation de charge d'espace moyenne d'environ 80 %. Vue de l'enveloppe dans le plan horizontal. 

 

La maîtrise de la dynamique des faisceaux hautement intenses à basse énergie est un point crucial pour pouvoir garantir son transport dans la suite de la ligne accélératrice. Cette dynamique est dominée par des effets non-linéaires du champ de charge d’espace généré par le faisceau de particules sur lui-même. Ce champ a un effet défocalisant sur le faisceau et il peut être à l’origine de la formation d’un halo engendrant la perte de particules à sa périphérie. Toutefois, en présence de gaz résiduel, le faisceau peut ioniser celui-ci, créant ainsi des paires ion/électron. Les particules secondaires ainsi créées sont alors soit piégées soit repoussées par le faisceau, selon leur charge. Les particules de charge opposée à celle du faisceau (les électrons pour un faisceau de protons) s’accumulent et le faisceau peut alors être considéré comme un « plasma » où les effets dé-focalisant résultant des charges répulsives sont minimisés.

influence SCC

Illustration de l'effet de la compensation de la charge d'espace sur le faisceau en sortie de la LEBT. A gauche, l'émittance dans le plan horizontal et le profil transverse du faisceau en supposant qu'il n'y a pas de compensation de charge d'espace dans la ligne. A droite, l'émittance dans le plan horizontal et le profil transverse du faisceau en supposant que la charge d'espace est compensée à ~ 80% dans la LEBT.

 

Cette ligne permettra donc d’étudier les faisceaux hadroniques de basse énergie, région particulièrement déterminante dans le transport des faisceaux intenses. Au-delà du projet MYRRHA, ces études sur la compensation de la charge d'espace pouront avoir un impact bénéfique pour tous les accélérateurs de hadrons de forte puissance actuels et futurs (ESS, SPIRAL2, IFMIF-EVEDA, etc).