n2EDM_web

UCN

L'équipe neutron ultrafroids développe un programme de recherche à l'interface de la physique des particules et de la cosmologie visant à élucider certaines des grandes énigmes de la physique contemporaine telles que l'asymétrie matière-antimatière de l'Univers ou encore la nature de l'énergie noire.

L'équipe UCN développe un programme de recherche à l'interface de la physique des particules et de la cosmologie visant à élucider certaines des grandes énigmes de la physique contemporaine telles que l'asymétrie matière-antimatière de l'Univers ou encore la nature de l'énergie noire. Dans ce but, nous effectuons des expériences de basse énergie utilisant comme outil privilégié les neutrons ultra-froids, connus sous le nom d'UCN (Ultra Cold Neutron). A l'heure actuelle, notre activité principale est la mesure du moment dipolaire électrique du neutron à l'Institut Paul Scherrer en Suisse au sein du projet n2EDM. Nous participons également à des expériences ponctuelles à l'Institut Laue Langevin, voisin du LPSC. Enfin nous avons construit au sein du LPSC un laboratoire de magnétométrie nucléaire dans le but d'étudier différents effets systématiques dans le cadre de la mesure de l'EDM du neutron.

Les neutrons ultrafroids

Le neutron est une particule très pénétrante car il n'a pas de charge électrique. Toutefois, dans certaines conditions, un neutron peut être réfléchi par une surface, comme la lumière. Il s'agit là d'une manifestation de la dualité onde-corpuscule. Cette capacité à rebondir sur une surface dépend de la vitesse des neutrons. Les neutrons chauds, c'est-à-dire rapides, ne sont jamais réfléchis. Les neutrons froids, plus lents, peuvent être réfléchis aux faibles angles d'incidence. Les neutrons ultrafroids, de vitesse inférieure à 30 km/h, sont réfléchis à tous les angles d'incidence pour certains matériaux.

Les neutrons ultrafroids peuvent être stockés dans des pièges matériels ou magnétiques. Il est ainsi possible de maintenir un neutron, pour l'observer ou le manipuler, pendant toute sa durée de vie (en moyenne de 15 minutes). Des expériences utilisant des neutrons stockés permettent en général une sensibilité accrue, en comparaison avec les expériences utilisant un faisceau de neutrons. La mesure du moment dipolaire électrique du neutron (expérience n2EDM) profite de cette sensibilité accrue. Du fait de leur faible vitesse, l'effet de la gravité est visible sur les neutrons ultrafroids. Un neutron avec une vitesse de 30 km/h peut s'élever de 3 m au plus avant de retomber sous l'effet de la pesanteur. Les neutrons ultrafroids permettent ainsi d'étudier les effets de la gravitation dans le monde microscopique.

L'équipe UCN est constituée de 4 enseignants-chercheurs UGA, d'un chercheur CNRS, d'un postdoctorant et de deux thésards.

Membres permanents

  • Benoit Clément (MCF, Responsable équipe) : laboratoire mercure, expériences ILL.
  • Guillaume Pignol (MCF) : n2EDM, laboratoire mercure, expériences ILL.
  • Konstantin Protassov (PR) : interaction antineutron-matière.
  • Dominique Rebreyend (DR) : n2EDM, laboratoire mercure.
  • Stéphanie Roccia (MCF) : n2EDM, expériences ILL.

Postdoctorant(s)

 

Doctorants

  • Pierre Navon (n2EDM)
  • Katia Michielsen (n2EDM)

Mesure du moment dipolaire électrique du neutron

La nouvelle physique à l’origine de l’asymétrie matière-antimatière

L’origine de l’asymétrie entre la matière et l’antimatière dans l’Univers reste encore inexpliquée par le Modèle Standard de la physique des particules. Pour satisfaire aux conditions de Sakharov, le processus microscopique à l’œuvre pendant la baryogénèse - la phase hypothétique de l’Univers primordial qui a produit l’asymétrie - doit impliquer une nouvelle interaction violant la symétrie CP. La symétrie CP est la combinaison de la symétrie de charge (C) et de la symétrie de parité (P). Il existe actuellement trois types d’approches expérimentales pour sonder de nouvelles sources de violation de CP :

  • la recherche auprès des collisionneurs, en particulier avec les détecteurs LHCb et Belle 2
  • la recherche de violation de CP dans le phénomène d’oscillation des neutrinos avec DUNE, T2K et T2HK
  • la recherche de phénomènes microscopiques violant la symétrie de renversement du temps T. En effet le théorème CPT indique qu’une interaction violant T doit aussi violer la symétrie CP.

Le moment dipolaire électrique (EDM) : une sonde de la symétrie T

L’EDM d d’une particule de spin ½ quantifie le couplage du spin à un champ électrique appliqué, de la même façon que le moment magnétique µ correspond au couplage entre le spin et le champ magnétique. La figure ci-dessous (a) décrit l’évolution du spin dans le cas d’un EDM d non nul (ici, positif), et (b) est l’évolution obtenue à partir de (a) en inversant le sens du temps.

Figure 1 : évolution du spin du neutron dans un champ électrique dû au couplage   

Il s’agit d’un phénomène microscopique qui distingue le passé du futur. Ainsi, l’existence d’un EDM non nul serait la signature d’une violation de la symétrie T, induite par une nouvelle interaction violant aussi la symétrie CP. Depuis le début de la recherche de l’EDM du neutron dans les années 1950, la précision a été améliorée par facteur un million. C’est en particulier l’utilisation de neutrons ultra-froids, que l’on stocker pendant plusieurs minutes, qui a permis une avancée décisive de la précision. Malgré ces progrès, toutes les mesures restent compatible avec zéro.

Le programme nEDM à l’Institut Paul Scherrer (PSI) et le projet n2EDM

Depuis les années 2000, l’équipe UCN du LPSC participe à la collaboration internationale nEDM qui conduit un programme pour mesurer l’EDM du neutron auprès de la source de neutrons ultrafroids du PSI en Suisse.

Figure 2 : aiguilleur de neutron ultrafroid construit et testé au LPSC avant son intégration dans l'expérience n2EDM à PSI

 

La mesure consiste à exposer des neutrons ultrafroids à un fort champ électrique (en combinaison avec un faible champ magnétique), et mesurer l’effet de ces champs sur le spin du neutron. Le champ magnétique doit être contrôlé avec une précision extrême, ce qui nécessite des magnétomètres quantiques. La collaboration a exploité l’instrument nEDM jusqu’en 2017. L’analyse des données a conduit à la mesure la plus précise de d’EDM du neutron (toujours compatible avec zéro) d=(0±1.1)×10-26e.cm.

L’expérience de nouvelle génération, n2EDM, a été installée dans la période 2018 – 2023. Actuellement, l’équipe du LPSC participe activement à la mise en route de n2EDM et l’exploitation de données de ce nouvel instrument qui va permettre à terme une mesure de l’EDM du neutron 10 fois plus précise. Les services techniques du LPSC (SERM, SDI, Informatique) ont été impliqués dans plusieurs développements techniques pour la ce projet.

 

Expériences à l'ILL

L’équipe exploite aussi les neutrons ultra-froids produits par l’Institut Laue Langevin de Grenoble, en particulier auprès de l’instrument PF2 (Physique Fondamentale 2). Nous avons porté un programme de trois expériences cherchant une forme de matière noire bien particulière : la matière miroir. Cette matière miroir serait composée d’une copie des particules connues. Ce type de modèle permet de rétablir la symétrie de parité violée par les interactions faibles. Électriquement neutre, le neutron serait une des rares particule à pouvoir osciller en sa copie, le neutron miroir, sous certaines conditions expérimentales.

Notre approche expérimentale consistait à guider des neutrons sur 5 mètres en essayant de produire les conditions expérimentales, en appliquant un champ magnétique, pour que le neutron oscille et devienne un neutron miroir. Autrement dit, que le neutron disparaisse !

En choisissant des neutrons ultra-froids, nous avons pu avoir un guide très efficace pour les neutrons et, profitant du fait que ces neutrons se déplacent très lentement (1 à 10 m.s-1), nous avons pu les soumettre aux conditions expérimentales pendant plusieurs centaines de secondes.

Figure 3 : Illustration de l’expérience de l’ILL par W. Saenz. On suit un neutron (en bleu) qui est guidé depuis la source. Dans le champ magnétique de la bobine (en vert) il oscille en un neutron miroir (en rouge). Ce neutron miroir s’échappe du guide et n’atteindra jamais le détecteur en bout de guide. 

Avec une première série de deux expériences, nous avons exploré une région de masse où le neutron miroir aurait une masse légèrement différente de cette du neutron de 2 à 69 peV sans observer d’oscillation plus rapide que 1s. Plus de détails ici : https://journals.aps.org/prl/pdf/10.1103/PhysRevLett.131.191801

Dans le cadre d’une troisième expérience, nous avons exploré une nouvelle région en masse, dans la quelle la différence de masse entre le neutron et sa copie miroir pourrait atteindre 1500 peV.

Nos collègues théoriciens ne manquent pas d’imagination et prédisent aussi que ces expériences permettent de tester l’existence de dimension supplémentaires dans l’univers. En effet une disparition de neutron peut aussi être le signe que le neutron est « passé » dans un autre brane disparaissant ainsi du brane où se trouve l’univers observable dans lequel nous nous trouvons.

Notre collaboration avec l’ILL permet aussi de tester les développements techniques de notre équipe comme le détecteur UCNBoX qui est un détecteur de neutrons ultra-froids sensible à la position à laquelle le neutron est entré dans le détecteur avec une précision de 2 microns. Ce type de technologie permet de mesurer les états quantiques gravitationnels du neutron en prenant en quelque sorte une photo de la fonction d’onde d’un neutron et ainsi d'étudier les effets de la gravitation dans le monde microscopique. C’est l’objectif du programme expérimental à venir : L’étude des niveaux d’énergies quantifiés de ce système (induction de transitions résonnantes entre niveaux grâce à un coupleur gravito-magnétique) ainsi que celle de l’extension spatiale des fonctions d’onde (atteignant la dizaine de micromètres) donne accès à des observables uniques.

Magnétométrie atomique

Le L4M (laboratoire pour la mesure du moment magnétique du mercure) est une installation développée depuis 2015 au sein du LPSC afin de réaliser diverses études autour de la magnétométrie atomique avec du mercure 199. Le mercure 199 est utilisé dans l'expérience n2EDM pour contrôler les variations temporelles du champ magnétique au sein des chambres de précession.

Le projet phare est la mesure de rapport gyromagnétique du mercure 199 relativement à celui de l'hélium 3, afin de réduire une source d'erreur systématique de la mesure de l'EDM du neutron. D'autres études portent sur différents effets influant sur le temps de dépolarisation du mercure, les décalages en fréquence induits par la lumière et les propriétés d’absorption de la lumière par les atomes. Enfin le L4M sert également à la caractérisation et à l'optimisation de différents éléments déployés dans l'expérience n2EDM.

A gauche : Laser UV Toptica à 254 nm (quadrupleur de fréquence); A droite : Le banc de remplissage de cellules optiques

L'installation inclut :

  • Un laser UV à 254nm, correspondant la transition 1S0 vers 3P1 du mercure 199, utilisée pour polariser la vapeur de mercure par pompage optique.
  • Des lasers IR à 1083 nm, pour l'hyperpolarisation de l'hélium 3 . Le pompage optique est effectué sur un état métastable de l'hélium créé par une décharge et transmis par échange de métastabilité au fondamental (MEOP).
  • Un jeu de bobines de Helmoltz servant à compenser le champ ambiant et imposer divers champs (jusqu'à 200µT dans le plan transverse au faisceau laser et 10mT sur l'axe) et gradients magnétiques (quelques centaines de nT/cm).
  • un banc de remplissage de cellules, permettant de contrôler la quantité de mercure et de réaliser des mélanges mercure-hélium (ou autre gaz) à diverses pression dans la gamme du millibar. Les cellules, en verre ou en quartz, sont au choix scellées ou fermée par une vanne.

 

Collaboration nEDM/n2EDM

L'ensemble des publications de la collaboration est disponible ici . On peux mettre en avant deux publication récentes où l'équipe UCN  du LPSC a contribué significativement :

  • The n2EDM experiment at the Paul Scherrer Institute, C.Abel et al., EPJ Web Conf. 219 (2019) 020002
  • Measurement of the permanent electric dipole moment of the neutron, C.Abel et al., Phys. Rev. Lett (2020)

Laboratoire de magnétométrie L4M

  • Determination of diffusion coefficients of mercury atoms in various gases from longitudinal spin relaxation in magnetic gradients, B. Clément et al, Phys.Rev.A 106 (2022)

Expériences à l'ILL

Oscillations neutron-neutrons miroir

  • Search for Neutron-to-Hidden-Neutron Oscillations in an Ultracold Neutron Beam, G. Ban et al, Phys.Rev.Lett. 131 (2023)

Détecteurs UCN sensibles à la position

  • C2D8: An eight channel CCD readout electronics dedicated to low energy neutron detection, O. Bourrion, B. Clement, D. Tourres, G. Pignol, Y. Xi, D. Rebreyend, V.V. Nesvizhevsky, Nucl.Instrum.Meth. A880 (2018) 28-34
  • Boron-10 conversion layer for ultra-cold neutron detection, B.Clément et al., JINST 14 (2019) no.09, P09003
  • Spatial resolution determination of a position sensitive ultra-cold neutron detector, B. Clément et al, Nucl.Instrum.Meth. A1040 (2020) 167212

Niveaux quantiques gravitationnels

  • Status of the GRANIT facility, D. Roulier et al, Adv.High Energy Phys. 2015 (2015) 730437 special volume “Quantum Gravitational spectroscopy”
  • Design and test of a compact and high-resolution time-of-flight measurement device for cold neutron beams, D.Roulier et al, Phys.Rev.Accel.Beams 22 (2019) no.3 032801
  • Manipulation of gravitational quantum states of a bouncing neutron with the GRANIT spectrometer, B. Clément et al., arXiv:2205.1113

Recherches de nouvelles forces

  • Constraining short-range spin-dependent forces with polarized 3He, M. Guigue et al., Phys. Rev. D 92, 114001 (2015)
  • Neutron Interferometry constrains dark energy chameleon fields, H. Lemmel et al., Phys.Lett.B 743 (2015) 310-314