La relativité générale et la théorie quantique des champs ne se
rencontrent pas souvent en un même lieu à un même instant. Seuls l'Univers primordial et les trous noirs de
faibles
masses viennent à l'esprit. Je m'intéresse ici essentiellement au second
point qui, nous le verrons, est en fait très lié au premier. Ces petits
trous noirs sont des objets fascinants dont les propriétés éclairent
(puisqu'en fait, ils ne sont précisément pas noirs du tout ! Sans doute
faudrait-il mieux parler de cordes blanches...) un grand nombre de problèmes
posés par la physique contemporaine. Nous montrerons comment il est
aujourd'hui possible de contraindre leur densité locale en utilisant le
rayonnement cosmique galactique et les gammas de haute énergie. Des voies
possibles de détection futures seront esquissées à l'aide de l'émission
d'antideutérons. Nous verrons également que ces objets sont riches
d'informations sur l'Univers primordial : explicitement, ils sont le seul accès
actuellement possible aux très petites échelles dans les premiers instants
du Cosmos. Ils ouvrent également
des voies importantes de recherche de nouvelle physique,
en particulier dans la construction de théories généralisant la
relativité d'Einstein. Ces modèles, où la densité lagrangienne n'est
plus linéaire en courbure scalaire, permettent d'échafauder les prémices
d'une théorie gravitationnelle quantique et sont le terrain de prédilection
des trous noirs primordiaux. Enfin, nous conclurons sur certains travaux en
cours et perspectives ouvertes concernant la formation de trous noirs auprès
des accélérateurs dans le cadre des scénarios à dimensions
supplémentaires, les contraintes sur l'échelle d'inflation ainsi que la
masse des gravitinos et les effets de cohérence quantique lors de
la mesure de la radiation de Hawking.
Je ne sais pas si les trous noirs primordiaux existent. Mais, à y regarder de
plus près, je ne sais pas non plus si le monde existe. La physique, me
semble-t-il, est une proposition sur le monde. Elle n'en est certainement pas
qu'une version comme le pense Goodman, qu'un reflet comme le pense Kant ou
qu'une illusion comme le pense Feyerabend. Mais elle n'a aucune légitimité
à appréhender le monde mieux qu'une autre discipline cognitive
digne de ce nom. Qui pense aujourd'hui réduire le monde de Kandinsky, celui de
Schönberg, celui d'Apollinaire, celui de Dostoievsky, celui de Rodin à une équation d'onde ? Et
pourtant, la physique a tant à dire sur son monde... Bref, les trous noirs
primordiaux n'existent peut-être pas. Si cela était avéré ils
sortiraient sans doute du champ d'investigation de la science de la nature.
Aujourd'hui, en tous cas, ils sont une source très riche de réflexion et
d'imagination pour les physiciens...
Les pages qui suivent présentent quelques aspects de physique des trous noirs primordiaux. L'ambition consiste à explorer toutes les pistes possibles pour tenter d'accéder à leur détection et à ouvrir quelques voies spéculatives pour appréhender des effets encore inconnus. Mais, comme toujours en fait, l'essentiel reste sans aucun doute à accomplir.