L'existence de trous noirs est aujourd'hui avérée. Ils ne sont
plus seulement des objets exotiques. Ils ne sont plus seulement de simples
solutions étranges aux équations d'Einstein. Ils ne sont plus
seulement des rêves de théoriciens (même s'ils sont toujours l'objet
de tous les fantasmes pour les adeptes de l'espace courbe !). En ces temps
fascinants, mais parfois un peu éloignés d'une certaine approche
du réel - fût-il voilé à la manière de d'Espagnat ou
phénoménal à la manière de Kant - où règnent la supersymétrie,
la supergravité, les espaces branaires, les dimensions non compactes,
la M-théorie, les cordes cosmiques, les cordes (hét)érotiques,
les vortons, les espaces conformes et la cosmologie pré-Big-Bang, les
trous noirs jouissent d'un statut particulier et enviable : ce sont
des objets qui, bien que dotés de propriétés tout-à-fait
incroyables, sont effectivement présents dans notre Univers !
On peut distinguer trois types de trous noirs : les trous noirs stellaires,
issus de l'évolution des astres les plus massifs, les trous noirs galactiques,
dont l'origine est mal comprise mais dont l'existence au coeur de certaines
structures est clairement identifiée et les trous noirs primordiaux, résultant de
fluctuations de densité peu après le Big-Bang. Ces
derniers ne bénéficient pas du privilège des deux premiers : aucune observation
ne peut, à ce jour, prouver leur existence. Mais leurs propriétés sont si
fascinantes et uniques que le défi de leur recherche mérite sans aucun doute
d'être relevé. De plus, même si leur existence n'était pas mise en
lumière, leur simple absence permettrait, en elle-même, de conduire à
d'importantes conclusions sur la structure de l'Univers primordial.
Pour rechercher les petits trous noirs (ici typiquement en dessous de quelques
g) il faut recourir au phénomène d'évaporation étudié
par Hawking et Bekenstein [1]. Ces objets légers et dépourvus de toute
interaction non gravitationnelle peuvent alors devenir très "lumineux" et émettre
toutes sortes de particules (voir [2] pour une introduction simple).
Les enjeux de cette recherche sont nombreux. D'abord, une mise en évidence expérimentale
du processus de Hawking serait, en soit, très importante du point de vue de la
théorie des champs [3]. Ensuite, une preuve de l'existence de tels trous
noirs ouvrirait des voies nouvelles pour explorer les modèles de gravitation
quantique [4]. Enfin, la détermination de la quantité - qu'elle soit
élevée ou nulle - de trous noirs primordiaux dans l'Univers contemporain donnerait
un accès irremplaçable à la valeur du spectre de puissance cosmologique
aux très petites échelles [5].
Cette section introductive présente différentes approches simples permettant de se familiariser avec l'idée de l'évaporation quantique. Pour les calculs pratiques qui seront utilisés dans les chapitres suivants, une autre méthode, nettement plus technique - fondée sur une description WKB de l'effet tunnel dans une géométrie dynamique [6] - sera en fait utilisée.