Les liens entre les trous noirs primordiaux et les rayons cosmiques d'énergies extrêmes
(EHECR) sont intéressants à deux niveaux.
Le premier est lié à l'énigme des événements au-delà de la coupure GZK (i.e. au-delà de qqs eV), voir [109] pour une introduction générale. On observe en effet (surtout AGASA) des rayons cosmiques doublement problématiques : d'abord parce qu'on ne connaît aucune source astrophysique classique capable de les accélérer à de telles énergies eV (à moins de tirer les paramètres de façon fort déraisonnable, et encore...) mais de plus parce qu'ils viennent nécessairement de distances relativement faibles à l'échelle cosmologique ( Mpc) suite à la photoproduction de pions sur les photons du fond diffus cosmologique (CMB). Un grand nombre de sources exotiques ont été proposées pour expliquer l'origine de ces événements (d'autant que le spectre semble se durcir, ce qui va dans le sens d'un changement de nature du mécanisme) [110].
Il y a quelques années, j'ai montré qu'une concentration marginalement acceptable de trous
noirs primordiaux pouvait expliquer la densité d'énergie présente dans les rayons
cosmiques EHECR [108]. Cette approche était néanmoins très lacunaire, en
particulier parce qu'elle ne reproduisait pas correctement l'indice spectral observé. Je pense
que l'on peut aujourd'hui conclure, au contraire, que des trous noirs primordiaux décrits
par une évaporation classique de Beckenstein-Hawking ne sont pas un bon candidat pour
expliquer l'origine des EHECR. En revanche, il pourrait être intéressant d'étudier cette
hypothèse dans le cadre du modèle EDGB. La prise en compte de termes d'ordres supérieurs en
courbure, rendus dynamiques par la présence d'un champ scalaire, conduit en effet (cf figure
2.3) à une accélération du taux de perte de masse par rapport au modèle de
Hawking. Avant d'entrer dans la vie post-mortem (i.e. dans la zone où la
température augmente mais où l'énergie des quanta émis diminue), les trous noirs émettent
des particules d'énergies plus élevées. Il doit s'ensuivre un durcissement du spectre
intégré par rapport au comportement habituel
. L'étude de ce point
requiert un substantiel raffinement de l'étude que nous avions entreprise [61] pour
décrire les reliques. Le régime asymptotique n'est, en effet, pas encore atteint dans ce
cas et les développements au premier ordre ne suffisent plus. Une étude numérique est
néanmoins envisageable.
Le second lien important entre les trous noirs microscopiques et les rayons cosmiques d'énergies extrêmes a trait à leur possible production dans l'atmosphère terrestre. Les arguments présentés au chapitre précédent concernant la possible création de trous noirs auprès de collisionneurs de particules (si l'espace possède suffisamment de dimensions supplémentaires) vaut, bien-évidemment, pour les rayons cosmiques : l'énergie disponible dans le centre de masse lors de l'interaction d'un EHECR dans l'atmosphère terrestre est supérieure de un à deux ordres de grandeurs à celle du LHC. Cette idée de production de trous noirs par les neutrinos cosmiques (seuls ceux-ci sont intéressants car ils ne sont pas sensibles aux effets diffractifs) a suscité un très vif intérêt ces dernières années [111]. En particulier, il a été démontré qu'en cas de non-détection une limite inférieure importante TeV pouvait être placée sur l'échelle de Planck. Des centaines d'événements de type trou noir pourraient être observés auprès des détecteurs Auger ou EUSO. La signature de la cascade est assez aisée puisqu'elle doit être initiée par un neutrino (recherche de gerbes horizontales) et présenter le développement spécifique des rapports de branchement d'un trou noir. En revanche, la reconstruction des paramètres physiques est très complexe. La possibilité d'accèder à des énergies plus importantes que les collisionneurs est très prometteuse. Mais le fait de ne pas connaître la masse initiale du trou noir (i.e. le de la collision en première approximation) invalide la procédure imaginée au chapitre précédent. De plus, la statistique est nettement plus faible puisque les flux de neutrinos EHECR ne sont pas gigantesques (même s'ils devraient être de toutes façons non nuls, ne serait-ce que par interaction des protons EHECR sur le CMB). Une simulation détaillée devrait alors être mise en uvre pour évaluer la capacité de reconstruction dans ces conditions. Je ne pense pas, néanmoins, que ces expériences puissent (comme le pourront les accélérateurs) aller au-delà de la simple (et éventuelle !) observation des trous noirs. Ce qui ne serait dejà pas si mal...!