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Gammas primaires

Outre les antiprotons, les trous noirs primordiaux en évaporation doivent également émettre des rayons gamma. Ceux-ci proviennent non seulement de l'émission directe, mais aussi de la désintégration des pions neutres. Ces derniers sont numériquement dominants dans la mesure où le nombre de degrés de liberté hadroniques est nettement plus important (78 au total pour les quarks et les gluons, en tenant compte du spin, de la charge et de la couleur) que les deux états de polarisation du photon. La gamme d'énergie la plus intéressante en gamma est au voisinage de 100 MeV, ceci pour deux raisons. D'abord parce que c'est l'énergie à laquelle le spectre intégré des trous noirs primordiaux devient plus mou et passe d'un comportement en $E^{-1}$ à un comportement en $E^{-3}$ (cet effet est essentiellement dû à la fragmentation des partons en pions qui change de régime au-delà de l'échelle de confinement de QCD ainsi qu'à la contribution redshiftée des trous noirs lointains [32]). Ensuite, parce que c'est une énergie à laquelle l'Univers est extrêmement transparent : les photons de 100 MeV voyagent pratiquement sans interaction.

Nous avons reconsidéré l'émission gamma et les contraintes qui en résultent de façon à tenir compte de nouveaux développements [33]. Le flux au niveau de la Terre peut s'écrire :


\begin{displaymath}\frac{d^2\Phi}{dEdt}=\frac{1}{2}\int_{t_{form}}^{t_0}\left(
\...
...i}{dEdt}(M(t,M_i),E'=E\frac{R_0}{R})\frac{d^2n}{dM_idV}dM_icdt
\end{displaymath}

$t_{form}$ est l'époque de formation, $t_0$ est l'âge de l'Univers, $\tau$ est la profondeur optique, $R(t)$ est le facteur d'échelle au temps $t$, $R_{form}$ est le facteur d'échelle au temps de la formation, $\phi$ est le flux individuel d'un trou noir en gammas, $M_*(t)$ est la masse initiale d'un trou dont le temps de vie est $(t_0-t)$ et $d^2n/dM_idV$ est le spectre de masse initial. Cette relation tient compte de différents effets :

Lorsqu'on tient compte à la fois de l'émission directe et de l'émission indirecte, cela se traduit pour le spectre mesuré au niveau de la Terre, en fonction de la densité de trous noirs primordiaux, par [34]:

\begin{displaymath}\Phi_{PBH}(100~{\rm MeV})=7.5\times 10^{-6} \Omega_{PBH}~{\rm GeV}^{-1}{\rm cm}^{-3},\end{displaymath}

$\Omega_{PBH}$ est la densité actuelle de PBH normalisée à la densité critique. Lorsque cette valeur est comparée aux mesures obtenues par le détecteur EGRET, à bord du satellite Compton, cela conduit à [34] : $\Omega_{PBH}
< 1.0\times 10^{-8}$, améliorant notablement les limites précédentes [32].

Cette approche peut être raffinée si l'on tient compte, comme nous l'avons fait pour les antiprotons, du fond gamma attendu puisque le résultat précédent se cantonne à requérir un flux venant des trous noirs primordiaux inférieur au flux expérimentalement mesuré, sans tenir compte des sources connues. En évaluant la contribution venant des blazars non résolus et de l'émission des galaxies, Pavlidou & Fields [36] ont estimé la contribution extra-galactique minimale au fond diffus gamma à 100 MeV. La première a été calculée en utilisant le modèle de Stecker-Salamon et la seconde est supposée proportionnelle au taux de formation des étoiles massives (qui est, lui-même, proportionnel au taux d'explosion des supernovae) puisqu'il est dû aux interactions des rayons cosmiques avec le gaz diffus. Ce fond vaut, à 100 MeV : $\Phi_{TH}=5.45\times 10^{-14}~{\rm cm}^{-3}{\rm GeV}^{-1}$. Nous demandons donc $\Phi_{PBH}+\Phi_{TH}<\Phi_{EGRET}$, où $\Phi_{EGRET}$ est le flux mesuré à 100 MeV [37], pour obtenir une nouvelle limite supérieure sur le flux des trous noirs, qu'il est possible de traduire en une limite supérieure sur leur densité. Afin d'évaluer celle-ci de façon conservative, la normalisation et l'indice spectral des ajustements du flux mesuré d'EGRET sont choisis (dans les barres d'erreurs) de façon à conduire au flux maximum : $\Phi_{EGRET} < 7.94\times 10^{-14}~{\rm cm}^{-3}{\rm GeV}^{-1}$. Cela conduit à : $\Omega_{PBH}<3.3\times 10^{-9}$, ce qui constitue la meilleure limite sur la densité de trous noirs primordiaux actuellement disponible, quel que soit le canal choisi. Cette valeur est assez proche de celle obtenue dans l'étude consacrée aux antiprotons et présentée dans le chapitre précédent. Elle est néanmoins complémentaire car elle repose sur des phénomènes physiques dans une large mesure indépendants : les gammas ici considérés ne sont plus piégés dans la galaxie mais intégrés jusqu'à une fraction considérable du rayon de Hubble et la gamme de masse prépondérante est légèrement plus grande (la masse des pions neutres étant inférieure à celle des protons, le température nécessaire pour les produire est inférieure).

Il sera montré ultérieurement que ces limites supérieures peuvent se traduire en termes de limites sur la fraction de masse de l'Univers subissant un effondrement en trou noir. Avec le formalisme exposé dans le paragraphe ``Univers primordial", la valeur de $\Omega_{PBH}$ ici dérivée se traduit par : $\beta(M_*)<1.3\times 10^{-26}$ où :

\begin{displaymath}
\beta(M_{H})=\frac{1}{\sqrt{2\pi}\,\sigma_H(t_{k})}~
\i...
...ta_{min}}
e^{-\frac{\delta_{min}^2}{2 \sigma_H^2(t_{k})}}~,
\end{displaymath}

avec $t_k$ le temps auquel le mode considéré ré-entre dans l'horizon, $\delta$ le contraste de densité ( $\delta_{min}\approx 0.7$), $M_H$ la masse de Hubble à $t_k$ et $\sigma_H^2(t_k)\equiv
\sigma^2(R)\vert _{t_k}$ $\sigma^2(R)
\equiv <(\frac{\delta M}{M})^2_R>$ est calculé avec un filtre ``fenêtre" avec $R=\frac{H^{-1}}{a}\vert _{t_k}$. Le lien entre $\Omega$ et $\beta$ est donné par [38]:

\begin{displaymath}\Omega_{PBH}(M)h^2=6.35\times 10^{16}\times \beta(M)\left( \frac{10^{15}g}{M}
\right).\end{displaymath}

La valeur de $\beta$ ainsi obtenue, très faible, montre que le contraste de densité du spectre de fluctuation était très inférieur à l'unité pour les petites échelles. Les conséquences cosmologiques directes seront données dans les chapitres suivants.


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Aurelien Barrau 2004-07-01