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Accélération par processus de Fermi

Le gaz qui tombe sur le trou noir central de l'AGN se déplace probablement à des vitesses supersoniques. Des ondes de choc peuvent alors facilement se former et agir comme des accélérateurs efficaces pour les particules présentes, en particulier par le processus de Fermi du premier ordre.

Un front d'onde de choc peut être assimilé à une discontinuité plane stationnaire qui diminue la vitesse du fluide de $u$ à $u/r$$r$ est le rapport de compression. Dans le milieu interstellaire ou interplanétaire, les particules sont diffusées par des distorsions magnétiques nommées ondes d'Alfvén. Généralement, la vitesse de propagation de ces ondes est très faible et elles sont assimilables à un phénomène stationnaire. Des particules de haute énergie peuvent interagir et subir une diffusion isotrope. Si un tel processus prend place au voisinage d'une onde de choc, il s'ensuivra que les particules très énergétiques qui se meuvent avec le fluide vont croiser le front d'onde un grand nombre de fois avant d'être transmises de l'autre côté. A chaque fois qu'une particule franchit le front, elle subit un gain Doppler d'énergie associé au changement de référentiel. Le changement moyen d'énergie pour une particule relativiste est donné par $<
\Delta \gamma / \gamma> = u/c$. Individuellement, les particules gagnent de l'énergie à un taux exponentiel jusqu'à leur transmission définitive. Cependant, à cause du mouvement aléatoire, le nombre de fois que l'une d'elles traverse le front d'onde est variable et la probabilité de s'échapper peut s'écrire $P=u/c$. Après $m$ diffusions, la fraction de particules présentes du côté en question est $e^{-mu/c}$. Les particules vont donc gagner de l'énergie comme $\gamma=\gamma_{0}e^{mu/c}$, où $\gamma_{0}$ est l'énergie initiale. La fraction de particules dont l'énergie est supérieure à $\gamma$ varie donc comme $\gamma^{-1}$ et la fonction de distribution comme la dérivée, c'est-à-dire

\begin{displaymath}\frac{dN(\gamma)}{d\gamma}=K \gamma^{-2}.\end{displaymath}

D'une façon plus générale, on peut établir la relation exacte qui lie la fonction de distribution à l'impulsion de la particule: elle ne dépend que du rapport de compression $r$.

Ce mécanisme est supposé très efficace dans le flot supersonique qui entoure un trou noir [26]. Il existe néanmoins une limite à l'énergie à laquelle une particule relativiste peut être ainsi accélérée [27]. La fréquence synchrotron maximale qu'il est possible d'atteindre pour un électron subissant ce mécanisme est de l'ordre de $10^{23}$ Hz. Mais l'effet Compton inverse, dont il sera davantage question dans la dernière partie de ce mémoire, permet d'atteindre des énergies bien plus élevées.

Un autre effet doit nécessairement être pris en compte. Il résulte de l'existence d'ondes transverses se propageant dans un plasma le long des lignes de champ magnétique. Ces ondes d'Alfvén sont incompressibles et dominantes par rapport aux ondes magnéto-soniques se propageant de façon compressible. Elles permettent le couplage des rayons cosmiques avec le milieu en jouant le rôle de centres diffuseurs. Le processus de Fermi du second ordre est une interaction résonnante des particules avec les ondes d'Alfvén. Il est essentiel de noter que contrairement à une idée reçue, ce mécanisme est aussi efficace que le processus de Fermi du premier ordre [28]. L'interaction résonnante prend naissance lorsque le rayon de Larmor d'une particule chargée se trouve égal à la longueur d'onde de la perturbation d'Alfvén. L'importance prépondérante de ce processus de Fermi du second ordre vient de ce qu'il a nécessairement lieu en aval du choc et que sa contribution ne peut donc pratiquement jamais être négligée. Il joue, en quelque sorte, le rôle d'injecteur.

Il est intéressant de remarquer que ces processus comportent des bornes énergétiques. L'énergie minimum nécessaire à leur fonctionnement est:

\begin{displaymath}E_{seuil} = m_p V_A \approx 10-100 MeV\end{displaymath}

$m_p$ est la masse du proton et $V_A$ la vitesse de phase des ondes d'Alfvén. Cette valeur est bien-sûr nettement plus facile à atteindre pour des protons que pour des électrons, ce qui explique probablement la faible proportion de ces derniers dans le rayonnement cosmique. Cela n'exclut pas une contribution majeure des leptons dans l'environnement très particulier des noyaux actifs de galaxie. Quant à l'énergie maximum, elle provient essentiellement de la taille et de l'âge du site accélérateur. C'est en particulier avec cet argument que l'on peut conclure que les particules cosmiques galactiques accélérées par des restes de supernovae (SNR) ne peuvent dépasser $10^{14}$ eV. C'est une limite absolue. De telles conclusions ne sont aussi simplement accessibles pour des objets extragalactiques mal connus comme les AGN.

Les processus de choc injectent dans le milieu des spectres voisins de $E^{-2}$. Les calculs les plus récents, tenant compte de corrections de non-linéarité initialement négligées dans l'équation de transport de Fokker-Planck, conduisent à un léger durcissement en $E^{-(2-\epsilon)}$. Mais ce spectre est ensuite dégradé par les nombreuses pertes radiatives (de toutes façons indispensables pour éviter une divergence de l'énergie) qui laissent une grande latitude d'indices spectraux, a priori observables.


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Aurelien Barrau 2004-07-01