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Des astres superlumineux

Une première annonce fut faite par l'astronome américain Allan Sandage en 1960, lors d'un meeting de la Société Astronomique Américaine, mais elle passa presque inaperçue. Sandage avait obtenu au télescope de cinq mètres du Mont Palomar le spectre d'une étoile très bleue, située au milieu de la boîte d'erreur de la radio source 3C48. Cette "étoile" présentait des raies spectrales intenses en émission, mais leurs longueurs d'onde ne correspondaient à aucune transition connue. Pendant trois ans, ce spectre resta inexpliqué. Puis, à la faveur de deux occultations par la Lune, l'astronome anglais Cyril Hazard put déterminer avec une précision d'une seconde d'arc la position d'une autre radio source non identifiée, 3C273. A cet endroit précis, se trouvait une autre étoile bleue dont Marteen Schmidt prit immédiatement un spectre. Celui-ci présentait également des raies en émission à des longueurs d'onde inhabituelles. Peu de temps après, on s'aperçut qu'il s'agissait des mêmes raies que celles observées dans les nébuleuses ionisées, en particulier les raies de Balmer de l'hydrogène, mais décalées vers les grandes longueurs d'onde de plusieurs dizaines de pour cent. Dans un article historique publié en juillet 1964 dans l'Astrophysical Journal, Greenstein et Schmidt discutèrent la cause du décalage des raies et conclurent qu'il ne pouvait être dû qu'à l'expansion de l'Univers. Celle-ci se traduit par la loi de Hubble qui stipule que les galaxies s'éloignent de nous avec des vitesses d'autant plus grandes qu'elles sont plus distantes: $V$ est la vitesse d'éloignement en $km/s$, $H_0$ la constante de Hubble et $D$ la distance en Mpc1.1 . Pour les vitesses petites devant celle de la lumière, on peut relier le décalage spectral $z=\Delta \lambda / \lambda$ ($\lambda$ étant la longueur d'onde) et la vitesse par $V=z \times c$. Le décalage spectral de 3C273 étant faible, l'hypothèse est valide et sa vitesse peut être estimée à $50000$ km/s . La distance correspondante est de $3.0 \times 10^3 Mpc$ en fixant $H_0$ à 65 km/s/Mpc. A une telle distance, la loi de Hubble devient néanmoins elle aussi approximative et il faudrait tenir compte de la géométrie de l'Univers, encore largement inconnue.

Les premiers noyaux actifs de galaxies étaient donc, et de loin, les objets les plus lointains identifiés dans l'Univers. Leur puissance, que l'on peut supposer (ce qui n'est pas strictement exact à cause de l'anisotropie) proportionnelle au carré de la distance, devait donc être extraordinairement élevée. Pour 3C273, par exemple, la magnitude apparente de 13 lui confère une puissance supérieure à $10^{40}$ watts. A titre de comparaison, c'est équivalent à la puissance rayonnée par 10000 galaxies comme la nôtre, par $10^{14}$ étoiles comme le Soleil ou encore par 1000 supernovae en un an.

Ces ordres de grandeur étonnants ont laissé et laissent encore sceptiques un certain nombre d'astrophysiciens qui contestent l'origine cosmologique du décalage spectral. Plusieurs découvertes ont alimenté cette ``controverse du décalage spectral (redshift)", en particulier la mise en évidence de la taille très réduite des AGN. Un faisceau d'éléments permet néanmoins aujourd'hui d'associer de façon quasi certaine les AGN à des galaxies extrêmement lointaines.


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Aurelien Barrau 2004-07-01