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Contraintes cosmologiques

Comme mentionné précédemment, une détermination de la magnitude du fond infrarouge cosmique est importante pour comprendre l'évolution et la formation des galaxies.

L'un des points clef réside dans la grande sensibilité du CIB au taux de formation instantané d'étoiles à décalage spectral $z$ donné, conséquence de ce que l'essentiel de l'énergie contenue dans les bouffées émises par les jeunes populations stellaires s'échappe après avoir été réémise dans l'infrarouge par les nuages de poussières.

Très récemment, Malkan & Stecker [222] ont proposé une nouvelle méthode d'estimation semi-empirique du CIB. Au lieu de modéliser l'émission infrarouge des galaxies en ayant recours aux hypothèses habituelles sur la distribution de température des poussières, ces calculs sont fondés sur une étude expérimentale des spectres galactiques avec une large distribution de luminosités intrinsèques.

Afin d'évaluer la contribution totale au CIB des sources rayonnant à différents décalages spectraux, les données obtenues principalement pour des petits $z$ doivent être extrapolées jusqu'au décalage de formation initial des galaxies $z_{max}$. Dans l'état actuel des observations, les détections infrarouges à grand décalage sont peu nombreuses [223] mais les dernières images d'ISOCAM à 7$\mu m$ montrent un certain nombre de galaxies distantes [224] permettant de supposer un comportement général. Si les identifications sont correctes, il semble y avoir des indications claires d'une très intense émission infrarouge dans ces galaxies autour de $z=1$. L'évolution de la fonction de luminosité des galaxies est néanmoins peu contrainte par les différentes modélisations en vigueur à l'heure actuelle. L'anayse la plus récente d'un échantillon des données IRAS [225] montre une évolution galactique forte avec un exposant caractéristique $Q\approx3.2$. Par ailleurs, les études de Pei & Fall [226] suggèrent que le taux de formation d'etoiles semble être maximum pour $1<z<2$, évoluant en $(1+z)^3$ à plus petit $z$ et décroissant très rapidement à plus grand $z$. Une telle description est parfaitement compatible avec les récentes études sur la distribution en temps de l'émissivité des galaxies [227].

A partir de ces données, Malkan & Stecker ont modélisé la fonction de luminosité $L(z)$ comme suit:

Les constantes ont été choisies à $z_{flat}=1-2$, $z_{max}\approx4$ et $Q\approx3$.

La forme du fond résultante est globalement peu différente des représentations habituelles mais présente une forme plus plate dans l'infrarouge moyen. Cet effet est probablement dû à ce que la "vallée" entre l'émission stellaire à quelques $\mu$m et l'émission des poussières autour de $100\mu$m est comblée par une prise en compte détaillée de la très large gamme des températures auquelles les processus d'émission peuvent prendre naissance. Les formes spectrales supposées au paragraphe Distribution spectrale du CIB doivent donc être considérées comme des bornes extrêmes entre les différentes modélisations du spectre.

Les valeurs obtenues par la démarche semi-empirique qui est vraisemblablement la plus précise aujourd'hui, de l'ordre de 3 nW.m$^{-2}$.sr$^{-2}$ dans la gamme de sensibilité de CAT, sont comparables aux limites supérieures dérivées dans le paragraphe précédent grâce au spectre de Mrk501. Les conséquences de cette contrainte sont donc très importantes puisqu'elles montrent qu' il ne peut pas y avoir eu d'évolution significative et de grands taux de formation d'étoiles à décalage spectral supérieur à 2 [228].

Dans le cas particulier de la paramétrisation de Macminn et Primack utilisée dans le profil de CIB présenté à la figure 13.1, une telle limite supérieure peut s'exprimer en terme de conséquences sur les modèles de matière noire. Depuis la première étude dans l'amas de la Coma en 1933 montrant que la masse dynamique devait être 10 à 100 fois plus importante que la masse lumineuse jusqu'aux modèles de Big Bang les plus récents (en particulier fondés sur le scénario de brisure de symétrie conduisant à une phase inflationniste), de très nombreuses données observationnelles et théoriques laissent penser que l'essentiel de la masse de l'Univers se trouve sous forme de matière noire [229]. Or, l'âge de formation des galaxies, lié à la densité du CIB, est précisément une probable conséquence du type de matière noire. En particulier, les modèles purement CDM, c'est-à-dire supposant les candidats "froids" (excluant en particulier les particules de type neutrinos), prédisent un fond infrarouge cosmique plus important. Les données de CAT, dans le cadre de cette approche sujette à caution, ne permettent pas d'exclure clairement un type matière noire puisque les rapports $F_{IR}/F_{IR\ 0}$ restent plus grands que 1 mais réduisent considérablement la "marge" de l'approche exclusivement CDM dans la mesure où le flux théorique évalué doit être considéré comme minimum.

La conclusion essentielle de la contrainte apportée par cette étude sur l'intensité du CIB consiste donc à montrer que toute source de rayonnement infrarouge autre que l'émission galactique (décroissance de particules, explosions d'étoiles, objets massifs, certains types de trous noirs [230]) ainsi que toute émission stellaire à décalage spectral supérieur à quelques unités sont pratiquement éliminées.

Les futures expériences d'astronomie gamma comme CELESTE [231] ou STACEE [232] devraient apporter une contribution substantielle à cette voie d'investigation en révélant des sources plus lointaines et plus dispersées en $z$. De plus, même dans l'étude d'un objet proche comme Mrk501, la connaissance de la zone non-absorbée du spectre à basse énergie apporterait une information précieuse en augmentant le "bras de levier" de l'ajustement.

On peut enfin noter que si les futures missions spatiales infrarouges parviennent à mesurer le CIB avec une grande précision, la démarche pourrait se renverser et l'astronomie gamma des très hautes énergies permettrait alors de sonder la constante de Hubble $H_0$ qui intervient dans le calcul de la profondeur optique d'absorption.


CONCLUSION








L'astrophysique gamma de très haute énergie est encore une branche jeune de l'astronomie observationnelle. Quelques années auparavant, les signaux mis en évidence ne dépassaient pas deux ou trois déviations standards et se révèlaient souvent n'être que des artefacts expérimentaux. Les temps d'observation nécessaires pour distinguer une source étaient dissuasifs. Cette période est clairement révolue: l'accord entre les différents télescopes est très bon et la signification statistique atteinte avec CAT a dépassé $20\sigma$ en une heure lors des prises de données les plus favorables.

Cette thèse confirme l'arrivée à maturité de la technique Tcherenkov atmosphérique.

D'abord par les nombreux tests en laboratoire et sur le site qui montrent que l'électronique originale développée pour cet instrument est bien maîtrisée et que la réponse du détecteur est globalement étalonnée.

Ensuite, par les résultats cohérents des mesures simultanées de l'imageur et de Thémistocle qui montrent pour la première fois que des gammas identiques étudiés par des méthodes expérimentales et théoriques différentes sont reconstruits sans erreur systématique flagrante. L'obtention d'une courbe de lumière commune avec les observatoires de Whipple et HEGRA, mettant en évidence un excellent accord, valide également la sensibilité de la démarche.

Enfin, par les investigations scientifiques nouvelles permises notamment au cours de l'année 1997 grâce à l'intense activité du noyau actif de galaxie Mrk501. Les variabilités et le spectre d'émission mesurés donnent des indications de première importance pour la compréhension de ces objets extrêmement violents. En mettant en évidence une émission très "chaotique" et un flux différentiel en loi de puissance jusqu'à plus de 10 TeV, l'expérience CAT a permis (conjointement avec d'autres observations) de montrer qu'une unique population d'électrons relativistes est vraisemblablement à l'origine de l'ensemble du large spectre d'émission des objets BL Lac. Le modèle Auto synchro Compton (SSC), naturellement évoqué pour expliquer les observations de photons de haute énergie en provenance de ce type de source est en tous points compatible avec nos mesures. Les résultats permettent également de restreindre l'espace de phase autorisé pour les paramètres libres de différentes autres approches (modèle Compton Externe et modèles hadroniques).

Cette source extragalactique lointaine a également été mise à profit pour sonder le fond diffus de rayonnement infra-rouge cosmique, difficilement accessible aux détecteurs embarqués. Les limites supérieures de CAT sont aujourd'hui parmi les plus contraignantes sur cette inconnue majeure de la cosmologie observationnelle, elles permettent d'exclure toute évolution galactique significative dans l'Univers à grand décalage spectral ($z>2$).

Mais l'aventure ne s'arrête pas ici. D'autres expériences sont déjà en cours d'installation (CELESTE, STACEE), en préparation (HESS, VERITAS, MAGIC, AMS) ou en projet (GLAST) et leur exploitation permettra nécessairement des progrès importants: augmentation de la sensibilité et possibilité d'une cartographie plus systématique du "ciel gamma". La corrélation avec les autres longueurs d'ondes mais aussi avec les autres types de particules (neutrinos, rayons cosmiques d'énergie extrême) révèlera sans aucun doute certains des mystères du gigantesque laboratoire de physique qui nous entoure: l'Univers des hautes énergies.


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Aurelien Barrau 2004-07-01