NOY : UN TÉLESCOPE À NEUTRINOS COSMIQUES
Le principe
L‘observation des neutrinos effleurant la Terre a été proposée comme une méthode très sensible pour la détection des neutrinos tau cosmiques d’ultra haute énergie. Alors qu’ils peuvent traverser l’atmosphère aisément, les neutrinos interagissent dans la roche et
produisent des leptons. Le lepton tau se propage dans la roche, s’échappe et induit en se désintégrant une gerbe dans l’air. Un détecteur capable de détecter une gerbe horizontale émergeant de la roche permet donc de réaliser une expérience d’apparition (ντ,τ). L’observation d’un très grand volume de cible couplée à une grande efficacité de détection est nécessaire pour surmonter le flux très faible de neutrinos d’origine cosmique. Le télescope NOY propose une telle détection grâce à une installation dans une configuration montagne-vallée spécifique.
Le détecteur
Afin de détecter des gerbes atmosphériqu
es horizontales, le principe d’un petit réseau de cinq détecteurs de particules déployés sur une centaine de mètres au sol a été retenu. Ce type de détecteur répond aux exigences de grand cycle utile de fonctionnement, de robustesse vis-à-vis des conditions climatiques et enfin d’absence de bruit de fond naturel ou anthropique dans le champ de vue. Les différences de temps d’arrivée du front de gerbe sur les détecteurs permettent de reconstituer la direction incidente. La séparation des gerbes quasi horizontales émergentes de la montagne des gerbes purement atmosphériques à faible élévation nécessite une bonne résolution angulaire. Celle-ci impose deux conditions essentielles : le plan de détection doit avoir une composante verticale et la résolution en temps doit être la meilleure possible.
Un réseau de 5 stations a été déployé en 2011 grâce au financement du programme SMIng2010 de L'Université Joseph Fourier de Grenoble. Le réseau est disposé en croix à 1500 mètres d’altitude sur une pente inclinée à 30 degrés, dans la Réserve Naturelle du Parc Régional de Chartreuse a proximité de Grenoble. Il fait face à la vallée profonde du Grésivaudan et pointe au Sud-Sud-Est vers les massifs de Belledonne et de l’Oisans hauts de plus de 3000 mètres. Une cartographie détaillée du site et des massifs environnant a été utilisée pour estimer la sensibilité du détecteur aux neutrinos de différentes énergies. Une simulation complète permet de suivre le neutrino depuis la source, à travers la terre jusqu'à la gerbe horizontale produite dans la vallée lors de la désintégration du lepton tau. Une fonction d’exposition a pu en être extraite montrant un maximum vers quelques 1014 cm2.sr.s pour des énergies de neutrino entre 1017 et 1018 eV.
Détection et Acquisition de données.
Chaque station est constituée d’un scintillateur plastique observé par 2 photomultiplicateurs. Les 5 stations sont reliées par câble à une station centrale contenant le système d’acquisition.
Le système d’acquisition de données embarqué CODALPS a été étudié et développé au LPSC. Il inclut sur une seule carte toutes les fonctions requises avec une consommation inférieure à 15 Watts permettant de fonctionner en mode isolé grâce à une alimentation par panneaux solaires. La carte contient 8 canaux de convertisseurs analogique-numérique de 12 bits échantillonnant à 250 Ms/s. Ils sont pilotés par un FPGA XilinX Tx020 à 250 Mhz ainsi qu’un cœur Power PC opérant sous micro-Linux. Le trigger est programmable à distance et les fonctionnalités d’entrée-sortie sont gérées par le PC embarqué qui gère aussi l’écriture des données. Un port ethernet connecté à un modem commercial via GPRS (3G) permet le transfert des données et le pilotage à distance. Le PC embarque contrôle également un module 8 voies d'alimentation haute tension pour les photomultiplicateurs.
Collaborations nationales et internationales
Nous rappelons ici que ce programme n'est pour le moment inclus dans aucun cadre national ni international préexistant. Il s'agit d'un programme de conception locale au LPSC à un stade de Recherche-Développement. Néanmoins nous avons pu constater l'intérêt de plusieurs de nos collègues hors Grenoble pour le concept. Les objectifs scientifiques pouvant être atteints par ce type de détecteur les a incités à désirer prendre une part future dans le développement d'un réseau délocalisé. Sur les bases du concept NOY, plusieurs réplications du télescope sont déjà envisagées, en particulier avec les Universités de Marseille et de Casablanca (Maroc).
Enseignement et Communication
NOY est un projet soutenu et en grande partie financé par le pôle SMing de l'Université Joseph Fourier (UJF) de Grenoble. Il s'intègre naturellement dans le programme de plateforme de travaux pratiques en laboratoire de l'UJF et permet d'offrir un accès à une véritable expérience aux étudiants. Ce programme fait suite à l'expérience déjà riche de notre groupe en matière de diffusion scientifique auprès d'un large public, notamment avec le programme ECRINS. Ce programme, initié au LPSC en 2005 dans le cadre de l'année mondiale de la physique, consistait à déployer des détecteurs de rayons cosmiques dans les écoles. Développé avec l'aide des enseignants de classe terminale du Lycée Pierre et Marie Curie d'Echirolles, il avait permis d'initier les élèves aux approches scientifiques. Ce programme s'est poursuivi vers le grand public par l'implantation des détecteurs au parc d'attraction Scientifique Quasar à Aspres/Buech (Hautes-Alpes) jusqu'en 2008. Nous envisageons de réactualiser le principe « Cosmiques dans les écoles », sous une forme légèrement différente avec pour objectif un public touchant aussi les premières années universitaires. La complexité et le cout d'un déploiement sur site scolaire seront contournés par la création d'un site internet dédié au détecteur de neutrinos NOY et géré si possible en partie par les étudiants et les enseignants eux-mêmes sous forme d'association par exemple. De notre coté, nous procurerons un accès complet aux données ainsi que les outils nécessaires à l'analyse de celles-ci. Un prototype de ce type de mise à disposition des données avec analyse en ligne (pour l'instant sur des données simulées) est consultable ici. Un programme connexe, utilisant le détecteur mini-ECRINS (réplique miniature et portable du détecteur de cosmiques) pourrait alors, sur la base d'un volontariat des établissements, servir de plate-forme de travaux pratiques dans l'esprit 'la main à la pate'.
Le site actuel de NOY est situé sur la commune de Saint Hilaire du Touvet, dans le périmètre du Parc Régional Naturel de Chartreuse et même en grande partie dans celui de la Réserve Naturelle des Hauts de Chartreuse. En accord avec les autorités municipales, du Parc et de la Réserve, nous avons soigné les aspects d'intégration au paysage et avons limité autant que possible l'impact environnemental lors de l'installation. L'installation est temporaire et son démontage total est prévu dès la conception. Des actions concertées de communication sont prévues avec le Parc Régional.
Le site est aussi un lieu fréquemment visité par les promeneurs, les randonneurs, les grimpeurs et les chasseurs. Nous avons tenu à informer les visiteurs sur la nature de cette étrange installation et un poster est placé sur la station centrale. Une version au format pdf de cette affiche peut être téléchargé ici .
Enfin, le projet NOY correspond à un intérêt scientifique réel et reconnu. Ainsi, plusieurs présentations ont été faites lors de conférences internationales. Les actes de conférence correspondants sont accessibles ci-dessous.
NOY: a neutrino observatory network project based on stand alone air shower detector arrays
F. Montanet, D. Lebrun, J. Chauvin, E. Lagorio, and P. Stassi
Astrophys. Space Sci. Trans., 7, 369-372, 2011
Abstract Full Article (PDF, 433 KB)
NOY: a Neutrino Observatory network project based on stand-alone air shower detector arrays
D. Lebrun, F. Montanet, J. Chauvin, D-H. Koang, E. Lagorio and P. Stassi
PROCEEDINGS OF THE 31st ICRC, ŁÓDZ 2009
Full Article (PDF, 289 KB)