Planck : les données définitives de la mission soutiennent fortement le modèle cosmologique standard
La mission Planck de l’ESA dévoilait en 2013 une nouvelle image du cosmos : la capture sur tout le ciel du rayonnement micro-ondes généré au début de l’univers. Cette première lumière offre une multitude d’informations sur son contenu, sa taux d’expansion, et les grumeaux primordiaux, précurseurs des galaxies. Le consortium Planck publie le 17 juillet 2018 dans Astronomy and Astrophysics la version intégrale et définitive de ces données. Avec sa fiabilité accrue et ses données sur la polarisation du rayonnement fossile, la mission Planck corrobore le modèle cosmologique standard avec une précision inégalée sur ses paramètres, même s’il subsiste encore quelques anomalies. Le LPSC a participé à la construction, l’analyse et l’exploitation des données de 1999 à 2018. Pour en savoir plus : planck.fr
Crédits : ESA - collaboration Planck - HFI France
Observation du boson de Higgs en association avec une paire de quarks top (ttH)
Depuis la découverte du boson de Higgs au CERN en 2012, aucun signe de nouvelle physique n’a été mis en évidence. C’est donc désormais la mesure des propriétés du boson de Higgs qui tient en haleine une grande partie de la communauté des physiciens sur accélérateur. L’un des aspects les plus ambitieux de cette recherche est la mesure de l’interaction du boson de Higgs avec les autres particules, ce qu’on appelle ses « couplages ». Ceux-ci étant entièrement déterminés par la théorie du Modèle Standard, une déviation de leur mesure par rapport aux prédictions signerait l’existence de nouvelle physique.
Le couplage du boson de Higgs aux fermions est proportionnel à leur masse, le quark top est donc la particule élémentaire avec le couplage le plus fort. C’est d’ailleurs ce couplage au top qui permet le mode de production dominant du boson de Higgs au LHC via la fusion de deux gluons (voir Figure 1a avec le diagramme de Feynman ainsi que celui ttH). La mesure directe du couplage entre le boson de Higgs et le quark top est possible en utilisant le processus de production du boson de Higgs en association avec une paire de quarks tops notée ttH (voir Figure 1b). Or cette production est très rare et n’a pas été mise en évidence dans la première phase de prise de données du LHC (run 1).
Figure 1 a - b
Production du boson de Higgs par fusion de gluons (gauche) et production du boson de Higgs associé avec une paire de quark top (droite).
Selon le mode de désintégration du boson de Higgs, il existe trois états finaux dans lesquels le processus ttH peut être recherché : deux photons (H → γγ), deux quarks beaux (H → bb) et enfin un état final multileptons via la désintégration du boson de Higgs en paire de Z ou W ou leptons tau (H → WW, ZZ, tt), ces particules se désintégrant à leur tour en leptons. Le canal multileptons, sur lequel travaille une équipe du LPSC, est le canal dominant qui a permis de mettre en évidence* (4.2 σ) la production de ttH au LHC à l’été 2017 avec les données des deux premières années (2015 et 2016) de la 2ème phase de prise de données du LHC, dite run 2 [Phys. Rev. D 97 p. 072003].
Le 4 juin 2018, la collaboration ATLAS a rendu publique une analyse dans laquelle les états finaux de plus petite probabilité de production, ttH, H → ZZ → 4 leptons et ttH, H → γγ, ont été mis à jour avec les données du run 2. Grâce à la combinaison de ces analyses améliorées avec les autres états finaux, ATLAS vient d’annoncer l’observation* (à 6.3 σ) de la production du boson de Higgs en association avec une paire de quarks top [CERN-EP-2018-138, arXiv :1806.00425] (voir Figure 2).
L’avenir de l’étude du processus ttH passe désormais par l’étude des états finaux individuels. Le LPSC est impliqué dans l’un des canaux multileptons, avec deux électrons ou muons de même signe et un tau (2ℓSS+τhad). Il s’agit du canal présentant la plus haute intensité de signal mesurée, plus de trois fois celle prédite par le Modèle Standard (voir Figure 3) ! Il est donc primordial de mettre à jour cette analyse avec les données additionnelles collectées pour savoir si cet excès est une fluctuation statistique ou une déviation significative par rapport à la prédiction du Modèle Standard.
Note : [*] En physique des particules, l’annonce d’une évidence ou d’une observation correspond à une mesure statistique de la probabilité d’observer un signal alors qu’il n’y en a pas. Pour l’observation cela correspond à une probabilité plus faible que 3 pour 10 millions (1 pour 1000 pour l’évidence) c’est à dire, pour un processus gaussien, de se trouver au-delà de 5 déviations standards ou 5σ (3σ pour l’évidence).
Figure 2 (gauche): Distribution de la masse invariante mγγ des deux photons dans l’analyse ttH, H → γγ 80 fb-1. Ici également les événements sont pondérés par leur probabilité relative d’être du signal au du bruit de fond. L’état final γγ représente l’avantage de rendre possible la reconstruction d’un pic de masse invariante. Figure 3 (droite): Intensité du signal mesurée dans tous les canaux multileptons. Le canal 2ℓSS+τhad étudié au LPSC, compte plus de trois fois le nombre d’événements Higgs attendus. La mise à jour de l’analyse avec 80 fb-1 est en cours.
Contact: M. Kuna
Théorie et expérience en Axion
Du 14 au 16 mai s'est tenue au LPSC la rencontre internationale The strong CP puzzle and axions qui a réuni une cinquantaine de participants, théoriciens et expérimentateurs.
L'axion est une particule hypothétique inventée pour expliquer pourquoi l'interaction forte respecte la symétrie matière/antimatière, et qui pourrait aussi constituer la matière noire de l'Univers.
Ce workshop a été l'occasion de faire un tour d'horizon des modèles théoriques récemment proposés, ainsi que des programmes expérimentaux associés pour rechercher cette particule.
STEREO met la pression sur l'existence d'un 4ème neutrino
L’expérience STEREO a présenté ses premiers résultats de physique lors des 53èmes Rencontres de Moriond[i]. Une grande partie de l’espace des paramètres autorisé pour une oscillation vers un hypothétique 4ème neutrino est maintenant exclu.
Alors qu’ils sont parmi les particules les plus abondantes de l’univers, les neutrinos sont connus pour être des particules élémentaires extrêmement difficiles à détecter. Ils prennent naissance au cœur des étoiles ou au sein des phénomènes les plus violents de notre univers, mais peuvent aussi être produits par des accélérateurs de particules ou, comme dans le cas de l’expérience STEREO, dans les réactions au cœur des réacteurs nucléaires. Les neutrinos ne possèdent pas de charge électrique et n’interagissent que très faiblement avec la matière. Aujourd’hui nous en connaissons 3 types ou saveurs : le neutrino électronique, le neutrino muonique et le neutrino tauique. Une étonnante découverte, faite il y a 20 ans, a montré que les neutrinos pouvaient changer de saveur, c’est à dire se transformer d’une saveur à l’autre lors de leur propagation. Ce phénomène, appelé « oscillation de neutrinos » a été récompensé par le prix Nobel de Physique en 2015.
Existe-t-il plus de 3 types de neutrinos ? L’engouement autour de cette question a connu un nouvel élan en 2011, lorsque des chercheurs[ii] remarquèrent que deux séries de résultats expérimentaux jusque là inexpliqués pouvaient être interprétés par la transformation des neutrinos vers un 4ème type de neutrino encore jamais observé. Ce neutrino, dit “stérile” pour qualifier son caractère indétectable, aurait une masse autour de l’eV, bien plus importante que celle des trois autres neutrinos déjà connus et sa découverte serait une avancée majeure en physique des particules. Plusieurs expériences, dont STEREO, se sont engagées dans cette course au neutrino stérile afin de confirmer ou d’infirmer l’hypothèse d’un 4ème neutrino.
STEREO est une expérience franco-allemande observant les neutrinos issus du cœur du réacteur nucléaire de recherche de l’Institut Laue-Langevin à Grenoble. L’expérience a été conçue et mise en oeuvre par les groupes de recherche et les services techniques de l’Irfu-CEA de Saclay, de l’Institut Laue-Langevin (ILL), du Laboratoire d’Annecy de Physique des Particules (LAPP), du Laboratoire de Physique Subatomique et Cosmologie (LPSC) de Grenoble et du Max-Planck-Institut für Kernphysik (MPIK) de Heidelberg, Allemagne. Les prises de données sont en cours depuis plus de 18 mois
Figure: Sont montrées les valeurs possibles des paramètres d’oscillation vers un 4ème neutrino et les valeurs maintenant exclues par les résultats de l’expérience STEREO. L’axe vertical correspond à la masse et à la fréquence d’oscillation vers un tel neutrino et l’axe horizontal à son amplitude. Les courbes en noir délimitent les scénarios auparavant les plus probables, avec une étoile marquant le cas le plus vraisemblable. Les régions en rouge et vert sont rejetées par les mesures de l’expérience STEREO, avec différents degrés de certitude (95% et 90%). La région en bleue représente la sensibilité théorique de rejection de l’expérience STEREO pour une précision statistique correspondant à 66 jours de données
Les premiers résultats de l’expérience STEREO présentés lors des Rencontres de Moriond excluent une partie significative de l’espace des paramètres attendu pour l’existence d’un hypothétique 4ème neutrino (voir Figure), mais la quête mondiale au neutrino stérile ne s’arrête pas pour autant là. La collaboration STEREO se prépare en effet à accumuler 4 fois plus de données d’ici la fin de l’année 2019, ce qui permettra, conjointement avec les résultats d’autres projets concurrents mais complémentaires actuellement en cours, d’apporter un éclairage nouveau sur cet hypothétique 4ème neutrino. Grâce aux caractéristiques du cœur du réacteur de l’ILL, hautement enrichi en 235U, l’expérience STEREO pourra aussi fournir de nouvelles mesures du spectre des neutrinos émis par la fission de cet isotope, très importantes pour l’ensemble des expériences neutrino auprès des réacteurs.
Les services techniques et le groupe de physique Neutrino du Laboratoire de Physique Subatomique et de Cosmologie ont été particulièrement impliqués dans cette expérience. Le LPSC a été chargé de la réalisation du détecteur veto de muons cosmiques, des blindages neutrons et magnétique, de l'ensemble de l’électronique d’acquisition de données et du système d’étalonnage du détecteur avec LED. Du fait de sa proximité avec le site expérimental, le LPSC a assuré la coordination de l'intégration de l'expérience sur le site de l'ILL et de la prise de données qui a démarré en octobre 2016. Les physiciens du LPSC ont eu une contribution majeure dans l’analyse des données de la première campagne de mesure (octobre 2017 à mars 2107) et poursuivent maintenant leurs efforts avec l’exploitation des données de la 2ème campagne de mesure qui vient de démarrer en mars 2018 après l'arrêt prolongé du réacteur de l'ILL.
[i] 53rd Rencontres de Moriond Electroweak session https://indico.in2p3.fr/event/16579/
[ii] G. Mention et al, Phys. Rev. D83 (2011) 073006.
Première cartographie SZ d’un amas de galaxies avec NIKA2
L’avènement de la camera NIKA2 au télescope de 30 mètres de l’IRAM (Grenade, Espagne) constitue une opportunité unique pour l’observation d’amas de galaxies par effet Sunyaev Zel’dovich (SZ), grâce à ses deux bandes de fréquence (150 et 260 GHz), sa grande sensibilité, son excellente résolution angulaire et son grand champ de vue.
En avril 2017, la collaboration NIKA2 a observé un premier amas faisant partie de l’échantillon du grand programme d’observation SZ. Il s’agit de l’amas PSZ2 G144.83+25.11 à un redshift z=0,58 observé pendant 11 heures avec des conditions atmosphériques relativement mauvaises. Les excellentes performances de la caméra NIKA2 (R. Adam et al., A&A 2018) ont néanmoins permis d’obtenir des résultats de premier plan.
La carte NIKA2 obtenue à 150 GHz (cf. figure) met en évidence un amas cartographié à haute résolution (plus de 20 fois mieux que Planck) et avec un fort signal sur bruit jusque dans les régions périphériques. Le résultat est comparable à la carte du milieu intras-amas obtenue en rayons X par le satellite XMM-Newton, ce qui ce qui facilite les analyses jointes SZ/X. En particulier, l’observation faite avec NIKA2 permet d’identifier une région de surpression dans l’amas et une source ponctuelle submillimétrique, qui peuvent donc être prises en compte dans l’analyse.
Les données NIKA2 ont été utilisées conjointement avec les données SZ obtenues par d’autres expériences opérant dans le millimétriques (MUSTANG, Bolocam et Planck), afin d'établir de manière non paramétrique le profil de pression, depuis le centre de l’amas jusqu'à sa périphérie. Nous avons pu montrer que la zone de surpression avait un impact notable sur la valeur du paramètre de Compton intégré (65%) et sur celle de la masse de l’amas (79%). Ces deux paramètres sont essentiels pour l’utilisation cosmologique des grands catalogues d’amas. Ainsi, les résultats obtenus dans cet article soulignent l’importance du grand programme SZ de NIKA2 pour la caractérisation de la dispersion de la relation d'échelle SZ-masse et donc pour la cosmologie avec des amas.
Le grand programme d’observation SZ de NIKA2 bénéficie de 300 heures d’observation accordées par l’IRAM dans le cadre du temps garanti attribué à la collaboration NIKA2. L'objectif est d’étalonner en masse un échantillon représentatif constitué de 50 amas de galaxies sélectionnés en SZ (catalogues Planck et ACT) à un décalage vers le rouge moyen à élevé (0,5 <z <1) et couvrant un ordre de grandeur en masse. L’observation des amas de cet échantillon permettra de mener une étude complète de la morphologie et de l'évolution des amas. De plus, ces données seront combinées aux données X du satellite XMM-Newton afin d’étudier les profils thermodynamiques radiaux (densité, pression, masse, température, entropie). Ces derniers sont essentiels pour une compréhension complète de la relation observable-masse des amas de galaxies qui permettra in fine d'exploiter les grands relevés d’amas pour contraindre la cosmologie
Plus d’informations :
First Sunyaev-Zel'dovich mapping with NIKA2: implication of cluster substructures on the pressure profile and mass estimate, F. Ruppin, F. Mayet, G. W. Pratt et al., accepté dans Astron. and Astrophys., arXiv:1712.09587
Contact : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
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Le groupe NIKA2 du LPSC a bénéficié des compétences des services techniques et administratifs du laboratoire. Cette activité est financée notamment par l’ANR avec le projet NIKA2Sky (ANR-15-CE31-0017 et http://lpsc.in2p3.fr/NIKA2Sky), le projet ANR-12-BS05-0007 project (2013-2015) et le Labex Enigmass.
Le grand programme d’observations SZ de NIKA2 (http://lpsc.in2p3.fr/NIKA2LPSZ/) regroupe 10 instituts européens dont l’IN2P3, l’INSU et le CEA au niveau français.
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