Les accélérateurs du GANIL produisent une multitude de faisceaux utilisés pour sonder la structure des noyaux atomiques.
En utilisant la fragmentation des faisceaux énergétiques (dizaine de MeV par nucléon) nous pouvons sélectionner les produits de réaction avec des spectromètres comme LISE. Le groupe Structure Nucléaire du LPSC s'est impliqué dans plusieurs expériences de décroissance isomérique auprès de ce spectromètre, notamment des études effectuées au sein de collaborations internationales sur la structure des noyaux proches du noyau 78Ni et du noyau 43S. Ce dernier cas est particulièrement intéressant puisqu'il a permis l'observation de la coexistence d'états quasi-sphériques et d'états déformés dans ce noyau. Une mesure de facteur g de ce noyau a clairement montré l'affaiblissement de la fermeture de couche N=28.
La construction du nouvel accélérateur SPIRAL-2 est en cours au GANIL et le groupe Structure nucléaire du LPSC s'implique dans le travail préparatif lié à l'arrivée de ce nouvel instrument via la mesure de sections efficaces de production. Par ailleurs, nous sommes également engagés dans des collaborations autour des lettres d'intention pour les futures expériences, comme DESIR.
Physique Nucléaire à l'ILL : Spectroscopie d'isomères de durée de vie de l'ordre de la microsecondes, riches en neutrons dans le voisinage du noyau doublement magique 132Sn
La région de noyaux autour du coeur doublement magique de 132Sn (N=82, Z=50) est l'une des deux seules régions de noyaux lourds, riches en neutrons, et doublements magiques accessibles expérimentalement (l'autre étant le 78Ni). Les noyaux de ces régions sont particulièrement adaptés pour tester les prédictions du modèle en couche dans la mesure où ils présentent une structure simple, c'est à dire seulement quelques particules ou trous en dehors d'un coeur doublement magique. Le noyau de 132Sn étant particulièrement riche en neutrons (N/Z = 1,64), l'étude de ses voisins proches présente un intérêt certain dans la mesure où les prédictions théoriques concernant l'interaction nucléon-nucléon dans cette région diffèrent. En effet beaucoup de questions restent encore en suspens concernant le comportement de l'interaction nucléon-nucléon quand un grand excès de neutrons est présent. Ces noyaux sont situés loin de la vallée de stabilité et sont donc difficiles à produire et étudier.

Avec le spectromètre de masse Lohengrin de l'Institut Laue-Langevin (ILL), nous avons étudié beaucoup d'états isomériques dans la région du 132Sn. Ces études ont donné des informations sur les états de spin intermédiaire dans ces noyaux. Nos mesures peuvent être comparées avec les calculs de modèles en couches les plus modernes disponibles à l'heure actuelle, nous avons d'ailleurs constasté que les prédictions de ces modèles sont plutôt en bon accord avec les résultats expérimentaux pour les noyaux pairs avec quelques protons en dehors du coeur doublement magique de 132Sn, tels que le 136Sb. Ces calculs fonctionnent en revanche moins bien pour les noyaux trou-trou de cette région (les In et Cd) lorsque l'on s'éloigne de plus de quelques trous du coeur de 132Sn.
Dans la région des masses 100, pour les noyaux riches en neutrons, un rapide changement de forme (de shérique à déformée) de l'état fondamental se produit lorsque l'on passe de 58 à 60 neutrons. Il est important de noter que la forme du noyau entier change avec l'ajout de ces deux neutrons. Les noyaux de cette région ont déjà été étudié en détails en utilisant le spectromètre Lohengrin, y compris la première observation des états excités dans certains noyaux, tels que le 95Kr et le 96Rb. A l'aide d'études utilisant la fission spontanée et de grands dispositifs de détection avec des cristaux en Ge, notre collaboration (LPSC, ILL, Warsaw) a proposé une explication phénoménologique pour ces changements de formes en termes d'orbites de Nillsson (orbites dans un potentiel déformé) de neutrons conduisant la déformation (1/2[550], 3/2[541]) et y résistant (9/2[404]). Beaucoup de questions restent encore ouvertes et sont étudiées pour comprendre le rôle joué par les protons dans les changements de formes et sont le sujet de nos recherches courantes.
La nature exacte des corrélations octupolaires dans la région des noyaux riches en neutrons de masse proche de 150, et leur évolution avec l'augmentation de la déformation quadrupolaire n'est pas non plus très claire. De nouveaux états isomériques ont été observés dans le 154Nd et le 155Sm et les spins de plusieurs autres isomères connus déterminés. Nos données isomériques ont également été combinées avec les informations issues d'expériences de fission spontanée utilisant Euroball ou Gammasphere, afin de produire une image plus complète de ces noyaux. Ces études montrent que les corrélations octupolaires disparaissent assez rapidement avec l'augmentation du nombre de neutrons ou de protons.
Les réactions de fission, de spallation et de fragmentation sont capables de produire ces noyaux très exotiques. Le spectromètre de masse Lohengrin utilise la première de ces réactions pour produire des noyaux dans les régions mentionnées précédement, et est l'un des rares instruments dans le monde qui en est capable. Le court temps de vol (~2 microsecondes) des produits de fission à travers le spectromètre signifie que si un isomère de durée de vie de l'ordre de la microseconde existe dans le noyau d'intérêt, alors ses états excités pourront être étudiés. Être en mesure de corréler l'arrivée d'un noyau sélectionné en masse avec la détection d'un photon gamma ou d'un électron de conversion dans une courte fenêtre en temporelle (quelques microsecondes) est une technique extrêmement sensible, permettant ainsi l'étude de noyaux très faiblement produits (quelques uns par minute).
Les réactions de fission sont crées à Lohengrin via des réactions de capture de neutrons sur différentes cibles fines d'actinides placées à proximité du cœur du réacteur, sous un flux de 5x1014 n/s/cm². Au point focal du spectromètre, les ions sont identifiés par une chambre d'ionisation produite au LPSC. Différentes chambres d'ionisations sont utilisées selon le type d'expérience réalisée (spectroscopie Gamma, spectroscopie d'électrons de conversion ou encore mesure de durée de vie). Les rayons Gamma émis par la désexcitation d'un état isomérique sont détectés par des Clovers (détecteurs comportant 4 cristaux en Germanium ultra purs), achetés par l'ILL durant la campagne de mise à niveau du millenaire. Puisque la dispersion en énergie des ions à Lohengrin au point focal est faible (~1 MeV), les fragments de fissions peuvent être implantés à une profondeur relativement précise d'une feuille de mylar fine (6 microns), plus particulièrement à la fin de celle-ci. Ainsi, les électrons de conversions émis par une cascade isomérique ne perdront que peu d'énergie dans cette dernière. Un détecteur de Si(Li) segmenté et refroidi à l'azote liquide placé derrière cette feuille peut alors détecter ces électrons de conversion jusqu'à de très basses énergies (~10 keV). Ces expériences de désexcitations isomériques à basse énergie de fragments de fission sont uniquement possible à Lohengrin. Ce dispositif nous a d'ores et déjà permis d'étudier la structure de près de 60 noyaux riches en neutrons!
COMPLIS est un système expérimental installé auprès du séparateur en masse ISOLDE au CERN (Genève). ISOLDE fournit de nombreux éléments de la table des isotopes sous forme de faisceaux d'ions radioactifs monochargés avec une énergie de 60 kilovolts (environ 400 km/s). COMPLIS utilise les lasers pour sonder les électrons présents dans la matière nucléaire et permettre de déterminer la forme du noyau atomique .

Le groupe Structure Nucléaire développe et utilise différents modèles théoriques afin de décrire la structure du noyau atomique:
- Modèle quasi-particule phonon
- Modèle quasi-particule rotor
- Calculs de modèle en couche
- Modèle d'interaction de bosons (IBM)
Nous utilisons le Modèle Quasi-Particule Phonon (QPM) ainsi que le Modèle du Couplage Intermédiaire Généralisé (GICM) (P.Alexa, J. Kvasil, N. Viet Minh and R. K. Sheline, Phys. Rev. C 55, 179 (1997)) en collaboration avec le groupe de structure nucléaire de la Technical University of Ostrava (République Tchèque) afin de décrire les propriétés des noyaux dans les région des masses 150, riche en neutrons, où les modes octupolaires sont présents. L'évolution des modes octupolaires en fonction du nombre de nucléons et de la déformation dans cette région n'est pas encore claire. En confrontant les résultats expérimentaux obtenus récemment avec les prédictions des modèles nous pouvons mieux comprendre l'évolution de ces modes ainsi que le rôle clé joué par certaines orbitales nucléaires. De plus, une description théorique des corrélations octupolaires nécessite l'emploi de modèles traitant les corrélations quadrupolaires et octupolaires sur un pied d'égalité, comme par exemple dans le QPM.
Le QPM est un modèle semi-microscopique qui permet de décrire la structure des états vibrationnels et à deux quasi-particules des noyaux pairs-pairs sphériques et déformés, de mélanges d'états vibrationnels dans les fonctions d'ondes à une quasi-particule dans les noyaux pairs-impairs sphériques et déformés, mais aussi de mélanges d'états vibrationnels dans les fonctions d'ondes à deux quasi-particules des noyaux impairs-impairs sphériques et déformés. Il est utilisé pour décrire les degrés de liberté internes du mouvement nucléaire et peut être combiné au modèle du rotor à symétrie axiale incluant le couplage Coriolis entre la particule impaire et les vibrations de type phonon en RPA du coeur pair-pair afin de décrire le noyau déformé impair (P. Alexa, Z. Hons and J. Kvasil, J. Phys. G 36, 045103 (2009)).
Le GICM est une généralisation du modèle du couplage intermédiaire aux noyaux impairs-impairs sphériques. Les noyaux y sont assimilés à des coeurs pair-pair en vibration couplés à deux nucléons extérieurs (le proton impair et le neutron impair). Comparé à d'autres modèles (typiquement le modèle en couche) le GICM produit dans quelques cas, particulièrement dans le domaine des basses énergies (mais dans quelques cas aussi pour le domaine des énergies intermédiaires, où les mélanges d'états vibrationnels peuvent devenir importants), une meilleure description des données expérimentales.
Des développements et applications d'une version algébrique du modèle collectif de Bohr (BM), appelé Modèle Collectif Algébrique (ACM) (D. J. Rowe, T. A. Welsh and M. A. Caprio, Phys. Rev. C 79, 054305 (2009)), ont montré que des calculs avec une convergence complète peuvent être réalisés pour une vaste gamme d'Hamiltoniens. Ainsi, la riche structure algébrique du BM peut être utilisée très efficacement pour l'analyse d'une vaste gamme de données expériementales. De plus, le BM possède plusieurs limites résolubles caractérisées chacune par une symétrie dynamique, les sous-modèles respectifs demeurant naturellement résolubles dans sa version algébrique (le ACM). Un autre modèle s'exprimant en termes algébrique et pouvant donc être utilisé efficacement et rapidement pour décrire la structure nucléaire est le Modèle d'Interaction de Boson (IBM). De manière similaire au BM, des limites de symétrie dynamique exactement résolvables peuvent y être définies telles qu'elles se contractent sur celles du BM. Le ACM combine les avantages à la fois du BM et de l'IBM, il est donc intéressant de sonder ses relations avec l'IBM car nous pouvons apprendre beaucoup des perspectives complémentaires qu'ils offrent ( D. J. Rowe and G. Thiamova, Nuclear Physics A 760, 59 (2005) . Par ailleurs nous nous intéressons aux relations entre l'IBM et l'ACM dans sa limite triaxiale de rigidité du paramètre de déformation beta (G. Thiamova, D. J. Rowe and M.A. Caprio, accepted in NPA), une approximation applicable aux noyaux suffisament déformés. L'Hamiltonien ACM complet peut être adapté pour décrire les noyaux paris-pairs pour n'importe quelle valeur d'équilibre du paramètre de déformation beta, et pour n'importe quel degré de rigidité.
Nous avons utilisé le modèle quasi-particule rotor pour interpréter des données expérimentales concernant les noyaux déformés impairs an A, ainsi que les noyaux déformés impairs-impairs. Le code utilisé, écrit par P. Semmes et I. Ragnarsson, décrit même les noyaux triaxiaux correctement.
Grâce aux puissantes machines informatiques disponibles au LPSC, nous avons été capables de mener à bien des calculs à grande échelle de modèle en couche en utilisant les codes Antoine, NuShellX, NuShellX-MSU et le code Oslo. Les machines du LPSC disposent de jusqu'à 64 Gb de mémoire RAM. Nous utilisons les interactions de modèle en couche les plus récentes développées soit par le groupe de Naples soit déjà incluses dans NuShellX-MSU, et les confrontons aux données expérimentales obtenues par le groupe. Les calculs de modèle en couche sont utilisés pour interpréter les schémas de niveaux, taux de transitions et moments magnétiques des noyaux proches de coeurs doublements magiques. Nous sommes particulièrement intéressés par les noyaux riches en neutrons proches des coeurs doublements magiques de 132Sn et de 78Ni, l'évolution de l'interaction nucleon-nucleon dans ces régions très riches en neutrons n'étant encore pas claire.
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